Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 5.djvu/686

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« paix » et, comme l’entendait saint Louis, en rendant la justice.

Et c’est à peine si les troubles profonds de la guerre de Cent ans ont retardé l’accomplissement de la tâche. A l’aurore de la Renaissance, par le naturel épanouissement des forces vives qui avaient germé en elle, sous l’action pacificatrice de la monarchie, la France est parvenue à réaliser, dans sa constitution sociale, cette perfection qui fait l’admiration des étrangers. Après la bataille de Pavie, Impériaux et Espagnols n’osent pénétrer en France, « sachant, dit Bodin, la nature de cette monarchie. »

« Et tout ainsi, dit-il encore, qu’un bâtiment appuyé sur hauts fondemens et construit de matières durables, bien uni et joint en toutes ses parties, ne craint ni le vent ni les orages et résiste aisément aux efforts et violences ; ainsi la république (lisez le royaume) estant unie et jointe en tous ses membres ne souffre aisément altération. »

En poursuivant à travers les siècles son œuvre de concorde, la royauté a non seulement mis la paix dans le royaume, elle lui a donné son unité. On connaît la célèbre lettre écrite par les ambassadeurs vénitiens au commencement du XVIe siècle :

« Il y a des Etats plus fertiles et plus riches que la France, tels que la Hongrie et l’Italie ; il y en a de plus grands et de plus puissans, tels que l’Allemagne et l’Espagne, mais nul n’est aussi uni. »

En sa libre croissance, cette constitution devait atteindre son point de maturité vers le milieu du XVIIe siècle et produire alors ce prodigieux règne de Louis XIV, dont l’éclat éblouit toute l’Europe comme longtemps encore il éblouira la postérité. Aux yeux tout au moins de tous les contemporains, la monarchie de Louis XIV réalisa l’idéal politique.


À cette époque, les transformations qui se sont opérées avec le temps, la multiplication et la facilité plus grande des moyens de transport, le prodigieux développement d’une ville comme Paris, ont amené autour de la résidence royale un peuple si nombreux qu’un souverain tel que Louis XIV ne pourrait plus donner audience, comme saint Louis, à tous ceux de ses