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solliciteurs s’était écoulée, le ministre recueillait les placets et les emportait chez lui, où il les étudiait pour en rendre compte ensuite au souverain.

Placets rédigés par les écrivains du charnier des Innocens : « Le scribe, la lunette sur le nez, la main tremblante et soufflant clans ses doigts, donne son encre, son papier, sa cire et son style pour cinq sols. Les placets au Roi coûtent douze sols, attendu qu’il y entre de la bâtarde et que le style en est plus relevé. » Sébastien Mercier constate combien cette industrie était prospère sous Louis XIV. « On recevait les placets, on les lisait, on y répondait. » Les « écrivains » s’achetaient des perruques neuves. Arrive la Régence, où se rompent les traditions ; puis la jeunesse, la paresse, l’indolence de Louis XV : l’industrie des placets dépérit.


IV. — LES PARLEMENS

Il va sans dire que le Roi ne pouvait trancher personnellement tous les débats judiciaires.

Et tout d’abord il lui était impossible d’être dans les différentes parties de son royaume à la fois. Aussi, dès le commencement du XIIe siècle, déléguait-il dans les provinces l’un ou l’autre de ses familiers, des seigneurs qui vivaient à la Cour, pour ouïr les plaids en son nom. Puis il désigna des personnages de confiance pour s’occuper régulièrement de ces débats, ce qui amena la création des Parlemens, qui rendirent ainsi la justice par délégation du pouvoir royal.

Ces conseillers sont tirés primitivement de la domesticité qui entoure le souverain, ou choisis parmi les clercs de sa chapelle ; s’y mêlent de temps à autre quelques vassaux du domaine immédiat, puis des seigneurs, des prélats que le Roi emploie selon qu’il les trouve à sa portée.

A côté du prince, qui tient ses plaids, parfois la Reine demeure assise, et par là apparaît encore ce caractère familial dont ont été marqués le gouvernement, la justice et l’administration de nos premiers rois.

Le monarque prononce Je jugement. Seul il en a la décision, après avoir pris l’avis des barons et des chevaliers qui forment sa Cour. Durant ses expéditions militaires, — et l’on sait qu’aux