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habits à leurs amis, ils ont toutefois voulu avoir quelque marque particulière, par laquelle ils eussent quelque prérogative sur les autres, et pour estre reconnus pour rois, se sont réservé ces trois rubans et qu’ils ont depuis communiqués à MM. les premiers Présidens... » Les rois vêtirent de leurs propres robes les présidens du Parlement, à l’époque où ils rendirent cette assemblée sédentaire en l’installant à Paris dans leur propre logis[1].

Observons d’autre part les progrès du pouvoir royal et la multiplication des intérêts où il se trouve mêlé. Le Conseil est bientôt divisé en trois sections, le Conseil proprement dit, la Cour de justice et la Cour des comptes ; dont la réunion continue à former la Cour du Roi ; sections dont chacune, conformément à ses origines, pourra être appelée à s’occuper également d’administration, de justice et de finances.

Le Parlement qui, par rivalité de boutique, fera au XVIIIe siècle des remontrances sur les attributions judiciaires encore reconnues au Conseil du Roi, oubliera que, en droit, il n’était pas logé à autre enseigne ; c’est ce que dit encore très bien le vieux Rodin : « En Parlement le chancelier va recueillant l’avis et l’opinion des princes du sang et des plus grands seigneurs, pairs et magistrats, si est-ce que ce n’est pas pour juger au nombre des voix, ains pour rapporter au Roi leur avis, s’il lui plaît le suivre ou rejeter ; et, jaçoit que, le plus souvent, il suit l’opinion du plus grand nombre, toutesfois, pour faire entendre que ce n’est pas pour leur égard, le chancelier, prononçant l’arrêt, ne dit pas « le Conseil ou la Cour dit, » ains « le Roi vous dit. » Ce n’était pas le Parlement, lors même que le Roi était absent, c’était le Roi qui jugeait, observe Rodin.

Par ces faits s’expliquent donc les lits de justice, dont le caractère est trop souvent méconnu. On nommait ainsi les assemblées où le Roi venait prendre la présidence de son Parlement pour lui faire connaître sa volonté. Jusqu’au XVIe siècle, le Roi occupait dans ces occasions un trône d’or ; mais à partir de Louis XII, le trône fut remplacé par un « lit, » formé de cinq épais coussins surmontés d’un dais. Les coussins et le

  1. And. Duchesne, Antiquitez, éd. de 1609, p. 519. — Il est impossible de ne pas noter que le costume de nos premiers magistrats est donc, aujourd’hui encore, le costume des anciens rois de France, leur costume officiel.