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quand il « touchait. » Or il arriva qu’en 1738, l’absolution lui ayant été refusée par son confesseur, Louis XV ne put faire ses pâques. De nombreux malades étaient réunis à Versailles. Il fallut imaginer un prétexte pour congédier ces pauvres gens : le Roi, leur dit-on, était souffrant.

Depuis le XIVe siècle, les monarques anglais se mirent aussi à toucher les infirmes, mais en qualité de rois de France, puisque aussi bien, de ce moment, ils en revendiquèrent le titre ; Et l’on vit même Jacques Stuart, renversé du trône, logé et pensionné par Louis XIV à Saint-Germain, avoir l’effronterie d’y toucher les écrouelles en sa prétendue qualité de roi de France.


On arrive ainsi à la théorie du droit divin.

Taine la croit forgée par les théologiens, qui se seraient ingéniés à faire du Roi « le délégué spécial de Dieu. » Tout au contraire, la théorie du droit divin a été créée par le peuple et combattue par les théologiens. Elle a été la doctrine des gallicans et des parlementaires. Elle a été défendue avec la dernière énergie par les protestans, attaquée par les ultramontains et par les Jésuites. Au cours de son livre sur l’éducation de Louis XIV, M. Lacour-Gayet a apporté sur ce point une démonstration lumineuse.


Les rois, enfans du ciel, sont de Dieu les images,


écrit le huguenot Jean de la Taille, en reprenant l’expression de Suger. Et le célèbre Jurieu, s’adressant au Roi :

« Il n’y a point de protestant dans le royaume qui ne vénère et, je puis dire, qui n’adore Votre Majesté comme la plus brillante image que Dieu ait posée lui-même sur la terre. »

Aux Etats généraux de 1614, les derniers qui aient été réunis avant 1789, par qui est proposée l’insertion d’un article proclamant le pouvoir divin des rois ? Par l’unanimité du Tiers, de ce même Tiers qui prêtera le serment du Jeu de Paume. Il y insiste avec passion. Le Tiers voulait qu’on en fît une « loi fondamentale du royaume. » Et cet article, par qui est-il combattu ? Par le clergé, par la noblesse, par la Cour elle-même.