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des différentes circonstances qui accompagnèrent le sacre de Louis XV à Reims, en octobre 1722. Le dernier acte en fut, comme le voulait la tradition, la cérémonie des écrouelles. Le jeune Roi était dans la treizième année. Des malades étaient venus, ou s’étaient fait transporter, de tous les points de la France. Le 29 octobre, après avoir entendu la messe dans l’église Saint-Rémy, Louis XV passa dans le grand parc de l’abbaye. Aux deux côtés des longues allées, sous les ormes séculaires dont les feuilles jaunies couvraient le sol d’un tapis bruissant, les malades, scrofuleux et paralytiques, étaient rangés en file, au nombre de deux mille et plus. Le jeune prince parut dans son manteau de drap d’or, sur lequel brillait le collier du Saint-Esprit. Les deux huissiers de la Chambre, en pourpoint de satin blanc, en mantelet de velours blanc noué de rubans d’argent, en toque de satin blanc empanaché de plumes blanches, leurs masses d’or sur l’épaule, marchaient devant lui ; la queue de son manteau était portée par le premier gentilhomme de la Chambre assisté du capitaine des gardes. Les huiles venaient de sanctifier le prince qui s’arrêta devant les malades et à chacun, lui posant doucement le revers de la main contre la joue, il dit :

« Le Roi te touche, Dieu te guérisse. »

Le grand aumônier, qui suivait, remettait à chacun une piécette de monnaie blanche, cependant que les tambours des Suisses roulaient bruyamment[1].

« Au sacre de Louis XV à Reims, écrit le marquis d’Argenson dans ses Mémoires, un bourgeois d’Avesnes, qui avait des écrouelles horribles, alla se faire toucher du Roi. Il guérit absolument. J’entendis dire cela. Je fis faire une procédure et information de son état précédent et subséquent, le tout bien légalisé. Cela fait, j’envoyai les preuves de ce miracle à M. de la Vrillière, secrétaire d’Etat de la province. Je crus obtenir de grandes louanges de mon zèle pour les prérogatives royales. Je reçus une lettre sèche où l’on me répondit que personne ne doutait de ce don qu’avait le Roi. Mais je sus fort bien que tout avait été lu au Roi qui, quoique tout enfant, aima entendre qu’il avait opéré ce miracle. »

Il fallait, comme il a été dit, que le prince fût en état de grâce

  1. Sur tous ces faits on consultera la monographie définitive de M. le professeur Landouzy, le Toucher des Écrouelles. Paris, s. d. (1906), in-4.