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selon les traditions du meilleur style italien. Dans l’épisode accessoire, entre le premier exposé de la phrase principale et son retour, lequel forme reprise et conclusion, l’intérêt se renouvelle et se soutient. « Seigneur, remettez-lui ses péchés, et, dans la joie de l’éternelle clarté, faites que je le revoie un jour. » La mélodie, ici plus incertaine, flotte et plane davantage. Elle est comme portée sur les ondes sonores, image des ondes de lumière, et des inflexions, des cadences de plain-chant lui communiquent je ne sais quelle mystique et mélancolique douceur. Mais un passage surtout, — de quatre mesures, — montre bien quel surcroît d’expression, à des paroles expressives déjà, peut ajouter la musique. Meque eum, dit le latin, faisant immédiate, en deux mots, la réunion du fils avec le père. Le chant répète la formule, il y insiste et, la resserrant d’abord, ensuite il la dilate et l’épanouit par une modulation lumineuse, où semble s’annoncer et se goûter à l’avance la félicité du revoir éternel.

Parlerons-nous de la seconde reprise, où des variantes harmoniques, instrumentales, enveloppent le thème d’une élégante ornementation ? Mais peut-être n’avons-nous déjà que trop parlé d’une phrase, d’une mélodie, et très simple. « Ma poésie traduite, » disait Henri Heine, « c’est du clair de lune empaillé. » Plus grand encore est le danger pour la musique, et plus grave souvent le méfait de la cri- tique musicale. A force de transposer les sons dans les mots, celle-ci risque de les trahir, et d’étouffer en eux, cherchant à l’y surprendre, l’émotion, l’âme et la vie.

L’analyse peut toutefois reconnaître dans une telle page, significative entre toutes, le caractère intime que nous avons noté plus haut. Intime n’est pas assez dire : il faut ajouter personnel, et par ce trait au moins, par cette nuance de sentiment, l’oraison filiale de Mgr Perosi nous rappelle un petit chef-d’œuvre de notre musique à nous, le délicat, discret et délicieux Requiem de M. Gabriel Fauré. Cette musique-là non plus ne semble pas convenir à toutes les funérailles. Elle n’a rien d’universel et de public. On dirait qu’elle pleure une seule mort, que pour une seule âme, elle prie. De là vient l’attrait, unique aussi, de ce Requiem en quelque sorte réservé et comme tendrement jaloux. Dans la cantate italienne, si différente par le style du Requiem français, je trouve le charme pareil d’une familière douleur, l’expression d’un sentiment qui se renferme, se reploie et se dérobe à la foule, enfin, pour la créature aimée et qui n’est plus, je ne sais quel hommage, quel tribut privilégié de regrets et de pleurs.

Telle demeure encore, — au début, — l’inspiration du dernier morceau