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dans les pays musulmans, et qui cessent de l’être lorsque des tribunaux dignes de confiance ont été établis. Tout cela est appelé à disparaître ; mais nous n’en sommes pas encore au point voulu. Que pouvions-nous donc demander dès aujourd’hui à l’Allemagne ? Son adhésion à des réformes futures, et son appui diplomatique pour les faire accepter aux autres puissances, quand elles seraient faites. Il semble bien que ce que nous lui avons demandé, nous l’ayons à peu près obtenu. On parle encore, à la vérité, de quelques détails sur lesquels l’accord n’est pas fait, mais personne ne doute plus qu’il se fera, et la déception serait universelle s’il en était autrement.

La négociation a été longue et a paru telle. L’opinion, chez nous, a eu à subir une épreuve que peut-être, en d’autres temps, elle aurait difficilement supportée ; mais tout le monde convient qu’elle y a fait bonne figure. La Bourse de Paris n’a pas éprouvé de perturbation profonde. Tous les dépôts faits à nos caisse d’épargne y sont restés : nul n’a eu l’idée de les retirer. Enfin notre confiance en nous-mêmes a été générale et elle a même pris un caractère résolu qu’on ne lui avait pas vu depuis longtemps. On sait ce que nous pensons de la politique marocaine de notre gouvernement ; les fautes y ont été nombreuses ; cependant, au milieu des résultats divers et confus qu’elle a produits, il en est un dont nous devons nous féliciter : l’esprit public en a senti comme un coup de fouet qui lui a donné une énergie et un élan nouveaux. Ceux qui, au dehors, se fiant trop à des apparences superficielles, ont cru la France définitivement vouée au pacifisme à outrance, à l’antimilitarisme et à leurs succédanés, ont pu s’apercevoir qu’ils s’étaient trompés. Si nous avons de longs sommeils, nous avons de brusques réveils où toutes les vieilles qualités de notre race se retrouvent intactes, et c’est un de ces réveils qui vient d’avoir lieu. En quelques jours, l’unanimité des sentimens s’est faite sur toute la surface du territoire, au point que si on interrogeait un travailleur des champs au fond de la Bretagne, de l’Auvergne, de la Provence ou du Roussillon, on entendait la même réponse, faite dans les mêmes termes et avec le même accent. Personne ne veut la guerre assurément ; mais l’idée ne s’en présente plus aux esprits et surtout aux cœurs sous le même aspect qu’autrefois, et si l’obligation s’en imposait tout d’un coup, le sentiment qu’on en éprouverait serait tout autre que la résignation. C’est là un fait imprévu dont tous ceux qu’il intéresse devront désormais tenir compte. A qui en devons-nous la manifestation inopinée ? De nombreux publicistes, de nombreux orateurs l’ont dit, mais nul ne l’a