Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 5.djvu/795

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

noirci de fumée ; » — croquis à l’eau-forte de ces poussifs Allemands qui, enfermés dans leur poêle, interprètent les Saintes Écritures « entre les gobelets, les vins et les injures ; » — portrait du prédicant de Bèze au grand front chenu, à la barbe fourchue, et dont les mains renversées « promettent le ciel aux troupes amassées ; » — silhouette lugubre des pendus de Montfaucon : « Ainsi l’avez voulu, Etoiles ! » D’autre part, des peintures dont le temps n’a pas fané la fraîcheur éblouissante : le Sacrifice pour rire du Bouc de Bacchus à la représentation de la Cléopâtre de Jodelle ; le « folatrissime Voyage d’Hercueil, » ces fastes lyriques d’une jeunesse insolemment olympienne et éperdument gauloise. Puis, d’exquis petits tableaux où il semble que Ronsard ait dérobé le secret de ses pinceaux à son ami Clouet, de petits tableaux où revivent, baignées de la lumière des beaux mois, le bouquet au sein, les mains chargées de bagues, la robe chancrée à la poitrine, les dames de Blois,


Ou d’Orléans, ou de Tours, ou d’Amboise,


et surtout, dans les jardins de Fontainebleau, l’adorable Marie Stuart, en habit de deuil, sous


Un long crêpe subtil et délié,
Pli contre pli retors et replié…
Triste passiez dans les longues allées
Du grand jardin de ce royal château
Qui prend son nom de la beauté d’une eau.


Ces vers inoubliables nous donnent la sensation d’un ciel mélancolique et d’un grand parc solitaire où tremble une eau limpide comme une larme. Et plus tard, quand l’île farouche se sera refermée sur sa proie délicate, quelle toile vaudrait ces deux vers, les plus fascinans que la fille des Stuarts ait jamais inspirés :


Les perles, les rubis sont enfans des rivages,
Et toujours les odeurs sont aux terres sauvages…


Mais il ne faut, pas perdre de vue que cette société avait appris à lire la poésie dans le Roman de la Rose et qu’elle était nourrie des allégories du Moyen Âge. Ronsard lui chantera des airs qu’elle connaît avec une grâce qui n’appartient qu’à lui. Nous rentrons dans le Verger de Bel Accueil.


Depuis cinq ans dedans ce beau verger
Je vais ballant avecque Faux Danger,