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Quand est apporté le dessert, le Roi fait présenter, aux dames présentes, des fruits et des glaces. Parmi elles se trouve, en 1772, une jeune Genevoise, Rosalie de Courtaut. « On offrit, dit-elle, les glaces du dessert aux dames qui étaient là pour voir. Je les trouvai bien bonnes. »

On allait de même assister au dîner des enfans de France à Versailles, ou dans les villes où ils passaient, quand ils étaient en voyage.

Pour faciliter le transport des habitans de Paris jusqu’à Versailles, avait été organisé un service d’omnibus appelés, les uns, des « carrabas, » les autres des « pots de chambre. » Mercier en donne la description. Ceux qui prenaient place sur le devant étaient appelés des singes, et ceux que étaient assis à l’arrière de la voiture étaient appelés des lapins. « Le singe et le lapin, écrit Mercier, descendent à la grille dorée du château, ôtent la poudre de leurs souliers, mettent l’épée au côté, entrent dans la galerie, et les voilà qui contemplent à leur aise la famille royale et qui jugent de la physionomie et de la bonne grâce des princesses. Ils font ensuite les courtisans tant qu’ils veulent. Ils se placent entre deux ducs, ils coudoient un prince trop empressé, qui retient son geste quand il l’a outrepassé, et rien n’empêche le singe et le lapin de figurer dans les appartemens et au grand couvert comme les suivans de. la Cour. »

Aussi, comme le note encore Mercier, dans toute la France on s’entretenait de la cour de Versailles, et il était rare que dans le village le plus écarté il n’y eût quelqu’un qui ne pût dire de visu, pour y être venu en carraba ou en « pot de chambre, » comment le Roi était fait, combien la Reine aimait les « pommes d’orange, » si la Dauphine était jolie et si les princesses marchaient d’un hon air.

Il n’est pas douteux que la familiarité de ces façons royales n’ait beaucoup contribué à développer les sentimens que la personne du souverain éveillait dans le cœur des Français et qui demeurèrent très vifs pendant tant de générations. Les ambassadeurs vénitiens en France y voient « une cause de la force de la monarchie en France. » Chacun, dit Rétif de la Bretonne, et ceux mêmes qui ne l’avaient jamais vu, considéraient le Roi comme une connaissance intime ; » parole remarquable et où se caractérisent profondément les sentimens que les Français éprouvaient pour leur prince.