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Majesté. Je souhaiterions en avoir davantage. Mangez-en beaucoup et faites-en manger beaucoup au Roi, car cela est fort bon pour la génération. Nous vous souhaitons une bonne santé et j’espérons que vous nous rendrez heureux. »

Voilà du moins qui vient du cœur.

L’union du Dauphin avec l’infante d’Espagne met en liesse tout Paris (février 1745). Ce ne sont que bals et illuminations, des rondes joyeuses : une immense fête populaire. Puis le bal masqué à Versailles, où la foule est admise, « aucun billet n’est exigé. » Aussi les barrières de chêne ne tardent-elles pas à être forcées. A travers les galeries et les salles, vers les buffets, le peuple circule librement : le Dauphin est en jardinier, la Dauphine en bouquetière.

Au bal donné pour le mariage de Marie-Josèphe de Saxe avec le Dauphin, fils de Louis XV (9 février 1747), tout le monde encore est invité, fête de famille. Quelques-uns de ces parens du Roi ne laissent pas d’être assez mal élevés. Pour mieux voir, ils montent sur les banquettes tendues de damas et répondent en termes aussi énergiques que laconiques à l’huissier qui les veut faire descendre.

Le même esprit préside aux noces. Tout le monde indistinctement, à Versailles, entre dans la grande Galerie des glaces où la famille royale est assemblée. Des tables de jeu ont été disposées. Les dames, qui ne jouent pas, ont pris place sur des gradins le long des arcades. En face, du côté des fenêtres, a été disposée une balustrade qui règne d’une extrémité à l’autre de la galerie. Par là passera le peuple. Il n’est personne qui ne soit admis, pourvu qu’on ne soit ni malpropre ni loqueteux, et qu’on suive l’itinéraire. La Dauphine, future reine de France, est assise à côté de Louis XVI ; avec la famille royale ils ont pris place autour d’une grande table, où le Roi, les princes et princesses causent familièrement et jouent bourgeoisement aux cartes, tandis que le peuple défile en dévisageant les jeunes époux. Dans une pareille circonstance le Roi se montrait à son peuple en famille.

Une fois mariée, la Reine ou la Dauphine doit avoir des enfans. Le peuple y compte et ne laisse pas de le venir dire à la princesse, jusqu’à Versailles, assez crûment. Marie-Antoinette tarde à donner un héritier à la couronne, tandis que sa belle-sœur, la Comtesse d’Artois, accouche. Et jusque dans ses appartemens,