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heures et demie, pour Aoste, pour aller à Parme et de là à Rome, où elles fixeront leur demeure.


L’exil réservait de cruels déboires aux deux pauvres princesses : du moins avaient-elles quitté la France assez à temps pour éviter la captivité et ses tragiques conséquences.

Le retentissement des événemens de Varennes fut considérable dans toute l’Europe et l’opinion en fut d’autant plus troublée que, pendant plusieurs jours, circulèrent les bruits les plus contradictoires. C’est ce saisissant récit, écrit presque heure par beure pendant ces cruels jours d’attente, que nous trouvons dans le Journal de Charles-Félix. Il nous fournit en même temps d’intéressans détails sur l’évasion de Madame, tirés d’une lettre adressée à sa sœur, la comtesse d’Artois[1].


27 juin 1791. — Le Roi a dit que le roi de France s’était sauvé avec la Reine et le Dauphin, mais qu’on les avait arrêtés à Saint-Dizier on Champagne.

28 juin. — Le Roi nous a dit qu’il n’irait pas à la promenade, car il attend des nouvelles de la poste...

Les nouvelles de la poste donnaient quelques espérances que la chose pût être incertaine et que le Roi de France fût hors du pays, mais avant la collation, le Roi entra et nous annonça que Louis XVI, Marie-Antoinette avec le Dauphin, la petite Madame et Madame Elisabeth avaient été arrêtés à Verdun et qu’on les reconduisait à Paris. On ne parle pas du tout de Monsieur et de Madame, et on ne sait pas s’ils sont encore à Paris. La pauvre princesse de Piémont (sœur du roi de France) s’est mise à pleurer, et nous avons été tous très affligés de cette triste nouvelle.

29 juin. — A environ neuf heures et demie, Montferrat nous renvoya un billet écrit par Piémont, dans lequel il lui disait que le roi de France avait été, en effet, arrêté à Varennes, mais pendant que la municipalité dressait le procès-verbal. M, de Bouille était arrivé avec trois régimens de cavalerie et qu’il les avait délivrés. Qu’en suite de cela, ils avaient pris la route de Luxembourg et qu’on les croyait déjà en Flandre, enfin que Monsieur et Madame étaient arrivés heureusement à Mons. Cette heureuse nouvelle occasionna la plus grande joie à tout le monde, et nous sommes allés à la Cour où il y eut de grandes félicitations de part et d’autre. Après le dîner, il vint les petit d’Artois ; leur mère ne vint pas parce qu’elle était incommodée.

Même date, plus tard. — M. de Sérent raconta la chose un peu plus circonstanciée. Il dit que le Roi, la Reine et le Dauphin s’étaient sauvés ensemble ; qu’ils étaient sortis par une fenêtre d’une cave, le Roi déguisé en marmiton, la Reine en servante, et qu’ils étaient montés en carrosse ;

  1. Cette lettre a malheureusement disparu et toutes les recherches faites pour moi dans les archives publiques et privées de la maison de Savoie sont demeurées vaines.