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Réfugiée à Gratz en Syrie, elle s’y éteignit le 2 juin 1805 après quelques années d’une vie solitaire et effacée, presque entièrement remplie par des occupations charitables.

Quant à la comtesse de Provence, après avoir erré de ville en ville en Allemagne, elle rejoignit son époux à Mittau dans les plaines de la Lithuanie, puis, après l’avoir suivi en Angleterre, elle mourut à Hartwell en 1810.

À cette époque où la gloire de Napoléon brille de tout son éclat, il semble que la famille de Bourbon ait connu toutes les calamités, tous les chagrins et toutes les infortunes. Pourtant, parmi tous ces malheureux exilés, il n’est guère que les deux princesses de Savoie qui devaient mourir sans avoir revu leur patrie. Le roi Charles-Emmanuel et la reine Clotilde rentrèrent dans leurs Etats et le comte de Provence comme le comte d’Artois devaient revoir la France et en occuper le trône tour à tour.

Mais, au cours de leur long exil, sous les neiges glaciales de Mittau, ou dans les tristes brouillards d’Ecosse, tous deux durent plus d’une fois regretter le temps passé en Piémont ! Ce serait se tromper, en effet, que de supposer, d’après le Journal du duc de Genevois et celui du comte de Maurienne, que les Bourbons n’avaient pas trouvé à Turin l’accueil dû à leurs infortunes. Si, dans leur Diario, les deux princes se montrent le plus souvent sévères et acerbes, presque injustes même pour leurs parens exilés, c’est que la différence d’éducation, le contraste des habitudes et l’opposition des caractères amenaient, nous l’avons dit, d’inévitables et perpétuels froissemens. Néanmoins, aucun dissentiment vraiment grave ne s’éleva durant ce séjour et ce qui en apporte la preuve, c’est que ces princes, élevés au milieu des splendeurs de Versailles, conservèrent de cette cour indigente et un peu rude, avant tout militaire et dévote, l’impression la plus favorable,

A la mort de Victor-Amédée, le comte d’Artois témoigna des regrets qu’on sentait être sincères et le duc de Berry, en écrivant à Victor-Emmanuel, lui rappelait non sans émotion « le bon temps » passé en Piémont ; il ne lui parlait de Turin qu’en l’appelant « sa seconde patrie, » dont le souvenir, après tant d’années, était resté cher à son cœur.


VICOMTE DE REISET.