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en revenant de la citerne, de la fontaine ou du puits, — appuyées à leur taille et inclinées sous le cercle de leur bras.

La cathédrale et la Lonja (la Bourse) sont les deux monumens qui s’élèvent sur le quai et qui font la physionomie de face de la grande cité ; elles sont bâties d’un grès rouge, de valeur douce, dont les tonalités changent aux diverses heures du jour, mais qui ne cesse jamais d’être à la fois un peu rouge et un peu gris, pierre colorée qui semble toujours légèrement voilée de quelque poussière.

La ville ainsi vue de loin et d’ensemble met en admirable saillie ces deux traits qui la marquent : le monument religieux aux lignes gothiques très sobres qui est à l’extérieur comme à l’intérieur d’un fort bel élan, mais qui, avec ses deux clochers peu élevés, paraît plus massive et plus château fort qu’elle n’est en vérité ; et le ravissant palais des affaires, cette Lonja d’un gothique si discret et d’un si original dessin qui détache de jolies fenêtres ogivales sur de grandes façades simples et qui encadre la simplicité pure de ces façades de quatre colonnes d’angle octogonales et d’une galerie supérieure à créneaux et à colonnettes inspirée du style mauresque. Tout le passé de Palma est inscrit là sur le sol : après la longue domination des Arabes, la reconquête chrétienne exprimée par la puissante église construite sur l’emplacement même d’une ancienne mosquée, et le lointain rayonnement commercial de celle qui fut si longtemps un des principaux entrepôts et marchés de la Méditerranée exprimée par la svelte élégance de cette façon de « Guildhall » méridionale.

Un troisième et dernier trait retient le regard : la Muralla, plus terreuse et plus grise, dessinant la ligne brisée de la large enceinte, et jalonnée de gros bastions ; elle ne date que de quelques siècles, mais elle évoque la signification originelle de Palma, port et fort, établi par les Romains après la conquête sur les Carthaginois, fondé par ce même consul Quintus Cæcilius Metellus qui avait mérité le surnom de Baliaricus. Les Romains étaient des constructeurs de routes et de camps retranchés bien plus que des bâtisseurs d’acropoles. Ils recherchaient les carrefours où se coupaient les grands chemins et les « carrefours de la mer » qui sont les beaux ports naturels de facile accès ; ils savaient plier la ville à la route ; ils estimaient et ils démontraient déjà qu’un « empire, » au sens vrai du mot, doit être à la fois un empire militaire et un empire de circulation ; ils fortifiaient les points essentiels, les nœuds vitaux du réseau des voies maritimes