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méditerranéen ont cultivé selon cette méthode et les oliviers, et le blé et la vigne ; ils savent, depuis vingt-cinq siècles pour le moins, comment les « façons » répétées et l’ameublissement incessant du sol constituent un moyen merveilleux de sauvegarder l’eau rare des profondeurs et l’eau capricieuse des pluies...

En cette Majorque, dont presque tout le sol cultivable est utilisé, on a, par momens, à la lettre, l’impression de traverser d’immenses déserts, vides de bruit, vides d’êtres vivans, et qui seraient cultivés par de bons génies. Accrochée au versant rapide qui est comme la marge très inclinée de la mer sur cette côte Nord-Ouest, l’installation superbe de Miramar a été l’exceptionnelle création d’un de ces vrais génies bienfaisans. L’archiduc Louis Salvator d’Autriche, devenu un ami amoureux des Baléares[1], y a fixé sa demeure. Un savant botaniste, M. R. Chodat, professeur à l’Université de Genève, qui dé- montre si bien par son exemple propre que les habitudes de la recherche analytique rigoureuse sont loin d’abolir le sens des ensembles vivans et la perception intense de la couleur, a noté quelques-unes de ses impressions au cours de sa visite au domaine princier de Miramar :

« Le rivage de Miramar est une merveille ; découpé par une crique profonde, il est enserré au Nord-Est par un long promontoire rocheux, la Foradada, ainsi désigné à cause d’un grand trou qui traverse de part en part la roche rouge. Tout autour, la montagne boisée jusqu’au sommet s’élève presque perpendiculairement. Un chemin, tracé dans l’amoncellement des rocs à demi plongés dans la mer écumante, permet de faire le tour de cette anse sauvage, puis, de lacets en lacets, remonte vers les forêts de chênes au milieu desquelles se cachent les quelques maisons de Miramar... Près de nous, sur chaque rocher, quelle exubérance de végétation ! Par milliers, les têtes arrondies des euphorbes arborescens avec leurs bouquets de feuilles vertes, leurs inflorescences dorées et leurs tiges pourprées, les grands balais d’Éphedra, arborescens aussi, se

  1. Il leur a consacré deux fort beaux volumes illustrés, Die Balearen hn Worl und Blid. —Au sujet de la géologie générale des Baléares, voyez les p. 890-894 et la fig. 195 de la 2e partie du t. III de la Face de la Terre d’E. Suess dans la traduction française, si parfaite et enrichie, d’Em. de Margerie.