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ou en Algérie que sous la forme de touffe rampante s’étalant sur le sol comme une pieuvre, et le voici à Majorque se dressant jusqu’à former des façons de taillis buissonnans et jusqu’à paraître parfois un petit arbre... Dans les endroits de la Sierra dont le sol est un peu moins exclusivement calcaire et un peu plus humifère, les arbustes-buissons du maquis, — témoins et reliques des sous-bois d’anciennes forêts dévastées de chênes-lièges ou de chênes-verts, — font insensiblement suite aux touffes généralement plus maigres, plus basses et plus sèches de la garigue. Çà et là subsistent même quelques taches abondantes des chênaies de ces chênes-verts que nous appelons aussi du nom si frais d’yeuses...

Puis soudain se révèlent, au flanc des montagnes tachetées, le passage et le travail des hommes sous la forme de murs superposés, remarquablement bâtis et finis, et qui supportent les oliviers. En montant à Nuestra Señora de Lluch, et tout près de ce pèlerinage fameux, des oliviers sont même plantés et soignés en pleines plaques tourmentées des lapiaz calcaires. Souvent les olivettes s’étendent sur des hectares accidentés, bien loin de tout toit et de tout village. En toute Majorque, sauf près de Palma, nous l’avons dit, le champ et le jardin sont éloignés du village ou de la ville. C’est pourtant ici, en la Sierra, que le fait se manifeste avec le plus d’ampleur. Durant de longs kilomètres, avant d’atteindre tout centre habité, on reconnaît la présence latente des bras humains ; ces murs sont entretenus, les branches de ces arbres sont taillées ; cette terre qui est à leur pied a été fraîchement retournée ; un souci aussi âpre qu’ingénieux de retenir l’humus précieux et l’eau des trop rares averses a dessiné, pour couper les pentes des vallons plus adoucis, une série de petits murs de soutènement qui ressemble à la succession en escalier de ces travaux destinés à « éteindre » la violence d’un torrent de nos Alpes. Et tout cela, sans que l’homme soit visible, car les habitans sont peu nombreux et ils réussissent à distribuer leur labeur sur de très vastes étendues.

Le dry farming ou drg land farming, c’est-à-dire la culture à sec, nous revient en ce moment d’Amérique avec toute la renommée bruyante d’un succès à la fois scientifique et pratique[1] ; mais il y a beau temps cp.ie les laboureurs du monde

  1. Parmi les très nombreuses publications américaines consacrées dans ces dernières années à la grande « révolution culturale » du dry farming, l’un des ouvrages les plus remarquables est celui de A. Widtsœ ; nous en recommandons d’autant plus volontiers la lecture qu’une traduction française doit en être incessamment publiée sous le titre : Le Dry-Farming. Paris, Librairie agricole de la Maison Rustique ; ; la traductrice est Mlle Anne-Marie Bernard, la fille du distingué professeur de géographie de l’Afrique du Nord à la Sorbonne.