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REVUE MUSICALE

CHABRIER MUSICIEN COMIQUE

Il eut l’ambition d’en être un autre, non pas seulement sérieux, mais poétique, héroïque même, et dans Gwendoline, une ou deux fois, il ne sembla pas très éloigné de le devenir. Mais le meilleur musicien qu’il fut en réalité, le plus vrai, le plus naturel et le plus vivant, est celui que nous voudrions rappeler. Plus d’un parmi nous (entendez parmi les critiques) s’y trompa naguère et ne reconnut pas ce musicien-là Le lendemain de la représentation du Roi malgré lui (en 1887), nous écrivions ici même : « La note émue, la note sensible (sans jeu de mots), et non la note comique, pourrait bien être la note fondamentale du talent de M. Chabrier. » Après vingt-quatre ans, la vérité nous paraît tout juste le contraire.

Quelqu’un a très bien noté comme un des traits principaux, sinon le principal, de la nature d’Emmanuel Chabrier, « une verve vigoureuse, une éclatante et savoureuse trivialité[1]. » La correspondance de l’artiste en porte presque à chaque page des marques toujours franches, souvent un peu grosses. L’esprit y abonde, la gaité plutôt, une gaîté facile, pour ne rien dire de plus, ou de moins. De Saint-Sébastien, en 1882 : « Qui est-ce qui a dit qu’il n’y avait plus de Pyrénées ? » (Suit une boutade un peu libre.) « J’en ai là, devant mes fenêtres, une tranche énorme. » Plus comique, mais aussi malaisée à transcrire tout entière est certaine description des puces du Guipuzcoa, de leurs mœurs, de leurs séjours préférés, voire de

  1. M. Legrand-Chabrier, préface des Lettres à Nanine. Édition de la Grande Revue.