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manière du Mozart de l’Enlèvement au sérail, annoncent, accompagnent ce fantoche royal d’Ouf Ier, et le font, par opposition, paraître plus risible encore. On dirait ici que la musique se moque d’elle-même, et c’est, nul ne l’ignore, une des façons qu’elle a d’être plaisante. Ailleurs, toujours ironique, elle accusera par la distinction des harmonies la vulgarité des thèmes. Certain quatuor des employés de commerce ne déparerait pas la collection, ou la galerie musicale de tableaux de corporation, où brille, au premier rang, le chœur de la Vie parisienne : «. Nous sommes employés de la ligne de l’Ouest. » Le comique ici tantôt consiste dans la musique seule, dans le tour de la mélodie ou dans le rythme ; tantôt, la parole s’en mêlant, il résulte aussi de la déclamation ou de la prosodie. Une césure, un rejet y peut suffire.


Aussitôt que l’aurore, aux doigts gantés de rose,
Éclaire à son lever les établissemens
De nouveautés, où le bon goût repose.


La musique sautille et court sur les deux premiers vers. Sur le troisième, aux deux premiers mots, elle s’arrête et s’étale avec une poésie de commis voyageur, avec des grâces de chef de rayon. Parfois tout l’esprit se ramasse et fait balle, soit au milieu, soit à la fin d’une phrase. Alors la note et le mot agissent, portent ensemble, ils se renforcent l’un l’autre ; ou bien un mot répété se colore de nuances changeantes, sous les notes qui se renouvellent, mais suivant un rythme constant. Le mélodiste de l’Étoile a le don des chutes imprévues, amusantes quelquefois par l’aisance et la légèreté même, quelquefois au contraire par la rudesse et la lourdeur voulue. Enfin il n’est pas incapable de traiter un finale, paroles et musique, l’une et les autres burlesques, dans la manière d’Offenbach. L’ensemble du « pal, » qui termine le premier acte, ressemble comme un frère, un petit frère, à l’énorme Bu qui s’avance ; en de moindres proportions, il est animé du même souffle, de la même énergie, de la même impérieuse et communicative ardeur. Opérette sans doute, l’Étoile n’est qu’une opérette, mais peut-être mieux venue que ne vint plus tard un grand opéra comme Gwendoline. La musique est ici plus spontanée, plus pure même, par où j’entends qu’il n’y entre pas d’élément étranger. Elle y est plus naturelle, et deux fois, étant plus conforme d’abord à la nature du musicien, puis à la nôtre : musique française, et, si l’on veut, gauloise, dont la veine limpide alla se jeter, — et ce fut dommage, — dans le grand fleuve allemand.