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accomplie, en présence de l’ennemi qu’il avait à combattre, ne pouvait être bien différente de celle qu’il a réalisée.


Pour presque tous les autres chefs qu’il nous présente, M. Germain Bapst insiste, non sans raison, sur leur état physique ; ils sont pour la plupart âgés, fatigués et usés. Tous ont de beaux états de service ; ils ont montré leur bravoure et leur entrain en Afrique, en Crimée, en Italie ; mais ils ne représentent plus en 1870 que le souvenir de ce qu’ils ont été. Il est bien certain que ce sont seulement les natures d’élite qui, à l’âge où l’on arrive généralement au haut commandement, ont encore la vigueur physique et intellectuelle nécessaire pour résister aux fatigues et conserver en toutes circonstances, au milieu des spectacles souvent désolans de la guerre et des misères qu’elle entraîne, malgré les émotions violentes et des inquiétudes poignantes, toute la liberté d’esprit et toute la puissance de conception nécessaire. Avec l’âge aussi, le caractère se modifie, la confiance disparaît, le sentiment des responsabilités s’exaspère. On reste bon serviteur, le sentiment du devoir domine toujours ; on l’accomplit scrupuleusement, mais on s’arrête là, on ne va pas au delà de ce qui est commandé.

A coup sûr, les qualités de vigueur et d’entrain du commandement, comme celles qu’on trouve dans les armées du premier Empire où des généraux encore très jeunes ont déjà l’expérience de la guerre, présentent des avantages considérables et peuvent même apparaître comme une première garantie de succès. En 1806 à Iéna, par exemple. Napoléon a trente-sept ans, il est dans la force de l’âge, en entière possession de sa vigueur physique et intellectuelle. Ses généraux sont : Murat, trente-cinq ans ; Davout, trente-six ans ; Lannes, Soult, Ney ont chacun trente-sept ans, Bernadotte quarante-deux ans ; le plus âgé est Augereau, il a quarante-neuf ans. Ils sont tous en pleine force, confians dans le chef qui depuis dix ans les mène de victoire en victoire. En moins de trois semaines, ils gagnent une bataille décisive et s’acharnent à la poursuite de l’armée battue. Devant eux les places fortes capitulent, les débris de l’armée vaincue s’évanouissent. Ils occupent Berlin et s’en vont d’une seule traite jusqu’aux confins orientaux des terres allemandes. Le royaume de Prusse avait cessé d’exister.

Une pareille composition du haut commandement d’une