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d’abord les engager parcimonieusement, jusqu’à découvrir le point sur lequel on jettera les masses jusqu’ici tenues en réserve. On peut ainsi tromper l’ennemi et réaliser la surprise, en apparaissant brusquement sur un point avec des forces telles que l’adversaire ne puisse être en mesure de répondre immédiatement par un pareil développement de forces. Le succès est assuré parce qu’une armée n’est pas une machine formée d’élémens juxtaposés et indépendans, mais bien un organisme vivant pour la destruction duquel il suffit d’un coup assez fortement et assez adroitement frappé.


L’art de la guerre en Europe en était là en 1815, au moment de la disparition du héros. Dans les années qui suivent, que reste-t-il en France de cette expérience de vingt années de guerre et des exemples mémorables qu’on a pu en recueillir ? Rien. Nous assistons vraiment là à un spectacle singulier dans l’histoire d’un peuple ; la réaction est telle qu’on fait abstraction de toute la période qui vient de s’écouler. Il semble à vrai dire que, pour les choses militaires au moins, on ouvre une parenthèse au commencement de la Révolution, (qu’on la ferme à la Restauration, et que rien n’a existé pendant ces vingt années. Partout on revient pour l’armée à l’état de choses qui existait avant 1792.

En fait d’organisation, on ne conserve qu’une armée permanente réduite, sans créer de réserves, ce qui enlevait à l’institution son caractère d’armée nationale et devait nous mettre en état d’infériorité manifeste dans un conflit européen. On fait disparaître les grandes unités de l’armée : brigade, division, corps d’armée, que Napoléon avait créées comme une nécessité en cas de guerre, pour assurer la division du travail qui apparaît indispensable là comme en toutes choses.

En ce qui concerne l’instruction des troupes, on en revient pour l’infanterie au règlement de manœuvres de 1791. Pour la cavalerie, dans l’ordonnance royale de 1829, il n’est question que d’équitation de manège et de mouvemens de carrousel ; son emploi à la guerre n’apparaît pas. On dirait que Lassalle et Murat n’ont jamais existé. En 1832 paraît le règlement sur le service des armées en campagne, et, de l’aveu même de ceux qui l’ont produit, on constate que « cette nouvelle édition est dégagée de ce qui appartenait trop spécialement aux grandes