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gagner du temps et assurer la concentration des troupes avant d’aborder l’ennemi. La pensée dominante est l’occupation de la position de Freschwiller, position reconnue depuis 1867 et fixée d’avance. On y amène dans la journée du 5 août toutes les troupes qui peuvent s’y rendre, c’est-à-dire 5 divisions, et on y attend passivement l’ennemi. On y est attaqué et battu le lendemain par 5 corps allemands.

Le même jour, en Lorraine, le 2e corps français obéit aux mêmes préoccupations, en acceptant la bataille sur la position de Spicheren, également reconnue et fixée d’avance. Il y a en arrière le 3e et le 4e corps ; personne ne songe à manœuvrer pour faire la jonction de toutes ses forces et opposer à l’ennemi des effectifs en rapport avec les siens. Non, la position est jugée forte par elle-même, on s’y tient et on s’y fait battre.

Je ne parlerai plus de Metz, ce que j’en ai dit suffit à montrer le rôle néfaste que l’incurie du commandement a fait jouer à cette place.

Vient ensuite la malheureuse affaire de Sedan. Une armée forte de 4 corps, comprenant 140 000 hommes, est reconstituée vers le 20 août au camp de Châlons. Pour des raisons de politique intérieure, on hésite d’abord sur la direction à lui donner ; puis on se décide à la porter vers Metz d’où l’on espère que Bazaine pourra sortir. Mais il est trop tard pour prendre la route directe par Sainte-Menehould et Verdun, si l’on veut éviter une rencontre avec la IIIe armée allemande qui est déjà en route dans la direction de Paris ; on passera au Nord de l’Argonne pour aller à Metz par Montmédy. Cette marche commencée le 23 août s’exécute dans des conditions déplorables et avec une lenteur telle que, dès le 27, les colonnes sont harcelées par des partis de l’armée ennemie qui, informée du mouvement de l’armée française, a interrompu sa marche vers l’Ouest pour se porter vers le Nord. Après l’affaire de Beaumont du 30 août et le passage de la Meuse, l’état de notre armée est tel que l’on renonce à continuer le mouvement sur Metz, et alors apparaît cette conception extraordinaire de faire refluer l’armée sur la place forte de Sedan où elle pourra se reposer en toute sécurité. Ainsi voilà une petite bicoque qui, parce qu’elle est entourée de remparts et de fossés, est assignée comme point d’arrêt pour un repos à une armée de 140 000 hommes ! Si ces remparts et ces fossés n’avaient pas existé, l’armée, au lieu de