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s’arrêter le 31 août, pouvait, malgré son extrême fatigue, continuer son chemin sur Mézières, et échapper, au moins en grande partie, à un investissement qui a entraîné le plus effroyable désastre que l’histoire des guerres ait jamais enregistré.

Quelque pénible que soit cette revue rétrospective de nos désastres, je crois utile de la continuer, en s’en tenant au point de vue spécial que j’ai envisagé.

Paris, place forte, nous est imposé par notre excessive centralisation ; centralisation telle que du jour où Paris, siège du gouvernement, tête du grand corps qu’est la France, tombe entre les mains de l’ennemi, la France peut être obligée de s’avouer vaincue. Du reste, Paris, par sa belle défense en 1870, a très bien rempli son rôle de place forte en immobilisant pendant plus de quatre mois la plus grande partie des forces allemandes. Mais on peut se demander s’il n’eût pas mieux valu, pour la défense du pays, qu’une partie des gros effectifs réunis dans la capitale fût venue grossir nos armées de province. La durée de la résistance de Paris n’en eût pas été diminuée d’un jour, et un appoint d’une cinquantaine de mille hommes, tout organisé dès le mois d’octobre, eût été une grosse force pour les armées qui tenaient encore la campagne en province.

Le premier théâtre d’opérations de ces armées de province a été les environs d’Orléans et leur première affaire fut la victoire de Coulmiers du 9 novembre. C’est que là, même avec des forces improvisées, nous avons pris l’offensive et cette offensive a été couronnée de succès. Cependant, en y regardant d’un peu plus près, on peut encore constater que nos troupes se sont engagées suivant les principes de la tactique linéaire du XVIIIe siècle, en ce sens qu’elles se sont complètement déployées, avant d’aborder l’ennemi, avant de connaître l’étendue du front qu’il occupait ; si bien qu’une partie seulement de nos forces a réellement produit un effet utile et que, sur 65 bataillons présens sur le champ de bataille, 27 seulement furent engagés. Le résultat a été que nous n’avons pas su recueillir de la victoire tous les fruits qu’on pouvait en retirer.

Après la victoire de Coulmiers, l’armée de la Loire s’arrête, comme stupéfaite de son succès, sans songer à l’exploiter, et s’installe au Nord d’Orléans. On s’empresse de faire autour de cette ville des ouvrages de défense d’un développement considérable.