Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 6.djvu/330

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

écris même quelque chose de mes rêves. » La « destinée, » acharnée après lui, avait décidé qu’il ne s’appartiendrait pas. Il la revoyait, devant lui, avec son geste impérieux et il cédait, sans résistance, à son impulsion : « A peine je repose ma tête, qu’elle me secoue par le bras et me force de souffrir et partir. » Il se rendit en Angleterre. Il y passa une demi-année. Vers le milieu du printemps de 1839, il revint à Paris et il s’y confina neuf ans, sans en sortir.

De tout ce qu’il avait commencé à « rêver, » il ne nous reste presque rien. Le Journal d’un poète nous fournit toutefois un très petit fragment en vers, intitulé justement Rêverie. C’est l’amorce d’une pièce qui aurait pu faire pendant au tableau de Paris, d’une « Elévation » nouvelle, suggérée par la nature solitaire et austère du Maine-Giraud :


Silence des rochers, des vieux bois et des plaines,
Calme majestueux des murs noirs et des tours,
Vaste immobilité des ormes et des chênes,
Lente uniformité de la nuit et des jours !
Solennelle épaisseur des horizons sauvages.
Roulis aérien des nuages de mer...


La grandiloquence laborieuse de ce début nous laisse soupçonner que l’enthousiasme fait défaut. Le soufflet de l’orgue fonctionne mal et l’harmonie, après quelques accords d’une grave « uniformité, » s’arrête brusquement et de façon un peu piteuse.

À cette tentative avortée de méditation en vers s’ajoute, dans le Journal d’un poète, une sorte de plan ou de projet d’ouvrage en proso :

« Le Maine-Giraud. — Roman historique. — Sur un parchemin que j’ai retrouvé dans mes papiers de famille, je ferai un roman historique.

« Ce sera une assez noble manière de donner de la valeur à cette pauvre terre.

« Les décorations seront mes terres et le château du Maine-Giraud avec les ruines de Blanzac.

« L’époque, 1679. Celle de Louis XIV.

« En 1680. La Brinvilliers est brûlée.

« En 1679 meurt le vieux cardinal de Retz.

« En 1670. Le voyage à Douvres de la duchesse de Portsmouth. »