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à des stalles préparées pour les prières et les méditations, et, sous terre, des murs de six pieds d’épaisseur sont prêts pour le siège, enfoncés dans la terre et scellés dans le roc où leurs voûtes et leurs blocs de pierre sont profondément enracinés. Les écuries se prolongent sous la protection des tours. Une enceinte de murailles, de maisons, de chais, de granges, de pressoirs et de fours encadre une large cour carrée où pouvaient jadis manœuvrer cinq cents lances. »

Ce n’est pas au Maine-Giraud, à cette gentilhommière étriquée et pacifique, s’il en fut, malgré ses deux tourelles, qu’un signalement si magnifique peut s’appliquer. La description de Vigny serait déjà trop éloquente pour mettre sous nos yeux un vrai château féodal, comme celui de Combourg. Elle conviendrait au vieux manoir, presque royal, de la famille des Rohan à Josselin.

Ces pages, jointes par Vigny à son ébauche de Mémoires, devaient être, — il vaut mieux ne pas en douter, — la préparation d’un grand chapitre de roman, du roman projeté sur la noblesse de France à l’apogée du pouvoir absolu, quelque chose comme cette introduction pittoresque sur la Touraine, devenue classique, et qui faisait un noble frontispice au roman de Cinq-Mars.


Quelque facilité qu’il eût à se créer des illusions sur l’importance et la splendeur de cette terre et de cette demeure, Alfred de Vigny ne montra pas beaucoup d’empressement à en reprendre le chemin. Pour l’y ramener, dix ans après, il fallut deux raisons qui ont bien peu de chose ù voir avec l’amour de la Nature.

Au mois de février 1848, tout aussitôt après l’effondrement du « trône de carton, » il écrivait à Busoni : « Lydia est retombée bien malade, et, depuis quelques jours, je l’avais menée à la campagne, quand a éclaté l’orage que nul ne semble avoir prévu, » Cette maladie de Mme de Vigny était « une fluxion de poitrine » d’une exceptionnelle gravité. Andral conjura le péril. Ordonna-t-il pour la convalescence le séjour à la campagne ? Toujours est-il que, la chaude saison venue, le comte et la comtesse de Vigny, voyageant en chaise de poste, à petites journées, et s’attardant, en route, à visiter plusieurs « cousins de Touraine » dans leurs châteaux, regagnèrent, pour