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En mer.

Nous avons quitté avec regret notre mouillage de Naples où le son des mandolines nous réveillait chaque matin. Les musiciens arrivaient de bonne heure, dans des barques, se rangeaient sous notre bord et jouaient en sourdine jusqu’à ce qu’une tête de femme parût à une fenêtre ou au-dessus du bastingage. Alors le concert commençait avec ces canzoni composées par les poètes de Piedigrotta qui résonnent chaque soir devant les hôtels de la péninsule, couplets alertes, au rythme oriental, que les Napolitains chantent à pleine gorge, d’une voix légèrement nasillarde mais juste, avec des mouvemens de tête et des gestes comiques qui font pâmer les vieilles Anglaises et sourire dédaigneusement les Italiens du Nord.

Dans l’après-midi, après la promenade en voiture, quand l’heure du thé nous rappelait à bord, le golfe s’arrondissait autour de nous dans toute sa gloire, avec ses grandes lignes si pures malgré le bouleversement de l’un 79, avec son rivage accidenté, le Monte di Dio, San Martino, les Camaldules, les îles, la falaise de Sorrente et le Vésuve qui fume juste assez pour fournir des instantanés aux jeunes filles.

Lorsque nous avons levé l’ancre à sept heures moins un quart, hier soir, la nuit tombait lentement, comme à regret, sur le paysage romantique. A peine entrevîmes-nous, à bâbord, la dentelle de Capri, au moment d’entrer en mer, tandis que, de l’autre côté, l’île d’Ischia, moins originale, se dessinait nettement sur le rideau pourpré du couchant.

Ce matin, le décor a changé : un des côtés du triangle sicilien, un rivage osseux se dessine dans la vapeur qui monte des eaux ; il grandit peu à peu, se rapproche, se précise. Voici le Monte Pellegrino qui émerge, gardien majestueux du golfe au fond duquel blanchissent, sous les caresses du soleil levant, les maisons à Palerme. Nous glissons sur du velours, au milieu de nuances lumineuses et tendres. Autour de nous, les objets se réfléchissent dans les eaux en ondulant. Encore une demi-heure et nous aurons accosté ou plutôt le canot automobile nous aura déjà descendus à terre en face du palais Butera.


Palerme.

C’est aujourd’hui le dernier jour de mars.

La chapelle palatine, l’église des Ermites, les métopes de