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trouve Dar Hussein, la résidence du commandant en chef de la division française d’occupation. À l’intérieur, on rencontre un appartement resté tunisien, patio orné de portiques au premier étage, salles dont les murs sont tapissés de faïences luisantes et de stucs patiemment travaillés, terrasses où le soir, à la clarté des étoiles, — quand il y en a, — on entend la voix grave du muezzin appeler les fidèles à la prière.

Quel contraste avec les souks, ruelles couvertes et mal pavées qui se croisent et s’enchevêtrent pour former le bazar de Tunis. L’activité mercantile des Arabes et des Juifs s’y donne incessamment carrière. Une foule bigarrée parcourt ces allées étroites, s’arrête devant les échoppes pour causer ou faire des emplettes. Ces boutiques serrées les unes contre les autres, comme les cellules d’une ruche, celles-ci éclairées par les lucarnes, celles-là à demi obscures, contiennent tous les objets propres à satisfaire les besoins des indigènes ou à égayer leur existence. Ici, ce sont des étoffes aux couleurs tendres ou éclatantes, des babouches, des fez, des selles ouvragées, des armes, des cuirs décorés d’arabesques, des coupes de cuivre, des bijoux voisinant avec des ceintures et des écharpes sortant du Louvre ou du Bon-Marché. Puis viennent les essences rares, les huiles parfumées, des chibouques, de la viande, des légumes, des fruits.

Je ne m’éloigne pas avant d’avoir franchi le seuil d’un des grands magasins où sont entassés les tapis d’Orient, les étoffes brodées et les objets de curiosité. On m’y accueille par des saluts ; on me fait asseoir ; on m’offre une tasse de café arabe ; puis on étale devant moi les gandouras aux couleurs indécises, turquoise, saumon, pistache, mauve, gorge de pigeon, gris-perle, rose-thé, vert-pomme. Au bout d’une demi-heure, de peur de passer pour un mauvais plaisant, j’offre cinquante francs d’un tapis tunisien dont on me demandait trois cents ; le marchand me rit amicalement au nez et me montre autre chose, puis autre chose encore. Au moment où je me lève, il fait plier le tapis et me confie qu’il me le laisse pour cinquante francs, parce que c’est moi et qu’il tient à me faire plaisir. À bord, notre courrier m’apprend que le tapis vaut bien trente-cinq francs.

Ce qui, à Tunis, m’attire et m’excite, ce qui exaspère ma curiosité, c’est le fruit défendu qui s’incarne dans les marabouts et les mosquées. Le traité du Bardo spécifie que les chrétiens ne pénétreront pas dans les lieux de religion ; l’article