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naire. Les appartemens ne se font remarquer que par les proportions grandioses de quelques salons, des portraits de souverains morts pour la plupart, et un nombre de pendules peut-être exagéré dans un pays où le temps ne passait pas pour être de l’argent.

Le musée Allaoui est installé dans l’ancien harem du bey Mohammed ; aux jeunes esclaves circassiennes ont succédé de très vieilles choses, car, à côté d’une section arabe assez banale, les collections antiques, provenant de Carthage, de Dougga, de Zaghouan, d’El Djem, de Sousse et autres lieux, ménagent quelques agréables surprises au visiteur. Ce qui frappe au premier abord, c’est le nombre et l’importance des mosaïques romaines. La Tunisie est le pays des mosaïques ; on ne saura bientôt plus où les placer. Dans les pays chauds, les espaces à ciel ouvert se substituent avantageusement à nos salons bien clos. Les dalles y tiennent lieu de parquets et les mosaïques de tapis fixes. Les anciens se plaisaient à reposer leurs yeux sur un sol élégamment décoré. Ils ne se contentaient pas de prodiguer dans leurs mosaïques de simples motifs d’ornementation, des fleurs, des fruits, des guirlandes ; ils composaient de véritables tableaux. Ils étaient en cela plus judicieux que les modernes, si enclins à loger des scènes tirées de l’histoire, de la mythologie, ou de la religion dans les voûtes de leurs palais et les coupoles de leurs églises. N’est-il pas plus naturel et moins fatigant de regarder un tableau étendu sur le sol qu’une composition perdue dans le berceau d’une galerie ? Un plafond peint soumet celui qui l’observe attentivement à une gymnastique douloureuse si elle se prolonge, tandis que la mosaïque attire le regard et le retient, ainsi qu’une pelouse semée de pâquerettes.

Le musée du Bardo se pare des trésors que recélait la terre tunisienne, comme le musée de Naples s’enrichit des dépouilles de Pompéi. Les objets qui commencent à s’y presser racontent les destinées de l’Afrique et l’histoire des peuples qui l’ont gouvernée. Ils rappellent les mœurs d’autrefois, les habitudes abolies et des croyances qui remontent aux premiers âges de l’humanité. On y chercherait vainement, à la vérité, une prêtresse carthaginoise ; mais la sculpture romaine y est dignement représentée par des statues en pied et par des bustes. Le Jupiter tonnant de même que les figures colossales découvertes aux environs ou dans l’enceinte de l’Odéon de Carthage nous révèlent les ten-