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relief sur le couvercle. Ce sont, pour la plupart, des prêtres revêtus de leurs habits sacerdotaux, graves, barbus, la tête ceinte du bandeau sacré : des portraits, à n’en pouvoir douter. Mais, telle une reine au milieu de sa cour, apparaît une femme qu’il suffit d’avoir regardée pendant dix minutes pour ne l’oublier jamais. Elle fut exhumée le 26 novembre 1902.

Étrange création, en vérité, que cette prêtresse d’un culte aboli ! Harmonieusement coiffée à l’égyptienne d’une sorte de couronne d’où émerge une tête d’épervier, elle a les yeux peints et de longs pendans aux oreilles. Une tunique rose, arrêtée sous les seins par une ceinture dorée, drape le buste pendant que les hanches et les jambes disparaissent sous la courbe de deux ailes de vautour repliées sur elles-mêmes. Seuls, les pieds se laissent voir, de petits pieds nus d’une délicatesse infinie, d’une délicieuse personnalité. C’est un singulier mélange de convention religieuse, de fantaisie orientale et de grâce hellénique. Le modelé du cou, des oreilles, des pieds décèle le ciseau d’un maître ; la conception décorative de l’ensemble révèle l’âme d’un poète. Devant aucune autre effigie, je n’ai ressenti cette impression produite à coup sûr par la réunion dans un même ouvrage d’élémens esthétiques aussi dissemblables, je pourrais dire aussi contradictoires. Si quelque critique, hanté par les leçons de l’École, crie à la décadence, il faut le plaindre de résister à l’attrait qui se dégage, aux yeux non prévenus, des œuvres accomplies avec amour. Les couleurs qui achevaient de rehausser ce relief n’ont qu’à moitié disparu ; elles achèveront de s’évanouir au contact de l’air et de la lumière, comme pour protester contre la témérité de ceux qui n’ont pas craint de violer le secret d’une tombe. Profitons de leurs derniers reflets pour en rassasier notre vue.


Le Bardo, 14 avril.

À trois kilomètres de Tunis, dans l’Ouest, on rencontre un palais dans lequel Mohammed-es-Sadok signa, le 12 mai 1881, le traité qui plaçait ses États sous le protectorat de la France. Ce palais a nom K’Sar-Saïd. C’est là que j’ai eu l’honneur d’être reçu par le souverain actuel.

Tout proche, le Bardo, ancienne résidence d’été des beys de Tunis. Le Bardo présente un amas de bâtimens sans unité, sans originalité ; l’ancien gouvernement y avait son siège ordi-