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consonant ; tout y respire l’atmosphère du Coran. Des nattes couvrent le sol ; des lustres en forme de cônes, d’une structure bizarre, sont suspendus au plafond. Si l’édifice porte la trace de restaurations maladroites, elles sont l’œuvre de mains musulmanes.

La mosquée de Sidi-Okba, formée de nefs parallèles qui se croisent de façon à engendrer des quinconces, appartient à la famille des mosquées dites du « Vendredi, » lesquelles sont ordonnées de telle sorte qu’on peut après coup les agrandir indéfiniment sans que le plan primitif subisse la moindre altération ; il suffit d’ajouter une rangée de colonnes aux autres rangées, une nef à celles qui existent déjà. Les mosquées de Cordoue et de Kairouan ont été agrandies de la sorte. À La Mecque, à Médine, au Caire on rencontre des monumens hypostyles de cette famille. Ce qui distingue la mosquée de Sidi-Okba, c’est qu’elle comporte deux nefs plus larges et plus hautes que les autres, la nef centrale terminée par le mihrab et la dernière nef transversale. Ces deux allées dessinent en se rencontrant la figure d’un T. Il y a quelque apparence qu’Hassan ben Nôman, qui adopta en principe le plan des vieilles mosquées de l’Arabie, s’inspira, pour assurer à la sienne une majesté nouvelle, des basiliques chrétiennes de l’époque primitive dont Saint-Paul hors les Murs offre à Rome un exemple vivant.

C’est toujours une volupté de se promener dans l’ombre et la fraîcheur quand, à quelques pas de soi, le soleil darde des rayons de fou. Mon ambition serait de revenir à Kairouan pendant la canicule et de circuler en plein midi dans l’oasis de marbre, au milieu des palmiers au tronc lisse ou cannelé, entre les arbres de cipolin, de granit oriental, de porphyre, de brèche, d’onyx, les uns couronnés de la feuille d’acanthe ou de la volute d’Ionie, les autres du chapiteau calathiforme, produit du caprice byzantin. Aux archéologues on fait voir une colonne qui remonte à l’époque punique ; on conduit les simples curieux auprès de deux piliers rouges comme du sang ; le guide ne manque jamais de faire observer que l’un de ces piliers est si voisin d’une troisième colonne de marbre que, selon la croyance populaire, l’homme qui parvient à passer entre les deux a sa place marquée au paradis. On sait des gens qui se sont fait maigrir à la seule fin de s’assurer par ce moyen mécanique les félicités promises aux élus.