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Éclairé par les huit fenêtres d’une coupole côtelée, le mihrab apparaît encadré de faïences aux reflets métalliques. Deux merveilleuses colonnes de brèche jaune et rouge, surmontées de chapiteaux d’une adorable fantaisie, supportent l’archivolte plaquée de faïences dont les dessins bleu cendré se détachent sur un fond d’or rougi.

À droite, sous la coupole, la chaire ou mimber, en bois de platane transporté du fond de l’Asie. Dans les panneaux, les artistes ont découpé des figures géométriques au milieu d’ornemens où les entrelacs et les rinceaux fusionnent harmonieusement, tandis que la flore orientale a fourni les principaux sujets des montans. Ce mimber, vénérable par son antiquité, atteste que l’art arabe à ses débuts s’inspirait des canons esthétiques en honneur à Byzance. Plusieurs panneaux, plus achevés que ceux qu’on voit au Caire, méritent de figurer en tête des rares spécimens de la menuiserie arabe primitive.

Si le mimber n’existait pas, on s’arrêterait plus longtemps qu’on ne fait devant les boiseries de la maksoura, enceinte réservée aux anciens souverains. Dans l’intérieur de la clôture, on remarque l’encadrement d’une porte composé de fragmens de sculpture romaine en marbre jaune assurément étonnés de se trouver là.

Un escalier de cent vingt-neuf marches hautes et droites ne se gravit pas sans peine quand le thermomètre marque trente degrés, mais la curiosité tient lieu de cordial et, en haut du minaret, la brise, si légèrement qu’elle souffle, fait oublier les tribulations de l’escalade. Puis, pour tout dire, il y a la vue qu’on est venu chercher et qui tient toutes ses promesses. Les yeux se portent d’abord sur le toit de la mosquée et sur ses dômes ; plus bas s’étend la cour avec son bassin de marbre et ses cadrans solaires. De l’autre côté, la ville violemment éclairée, une succession à n’en plus finir de cubes qui se touchent, se dominent, se tassent les uns contre les autres avec une étrange familiarité. Les rues, dans ce fouillis, se laissent à peine deviner à d’imperceptibles dépressions. Les terrasses nues semblent appartenir à une nécropole ; aucun bruit, pas même un murmure ne parvient à mes oreilles. C’est Pompéi réparée et passée à la chaux. De l’océan des cubes émerge ici une coupole, là un minaret. Les murailles de la ville couronnées de merlons l’enserrent comme un large ruban presse la taille d’une jeune fille.