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normal peut sans mourir recevoir cinq grammes de sérum de cheval, par exemple, mais il n’en est ainsi que s’il n’a pas été soumis antérieurement à quelque injection de sérum ; car alors, c’est-à-dire si un ou deux mois auparavant il a reçu une dose inoffensive de ce même sérum, il suffit de lui en injecter un milligramme seulement, pour amener la mort en moins d’une minute.

Ainsi, par le fait de l’anaphylaxie, la sensibilité du cobaye est devenue, dans l’espace d’un mois, cinq mille fois plus forte.

Ce n’est pas seulement le sérum qui est apte à produire l’anaphylaxie ; tous les liquides organiques, comme le lait, l’extrait musculaire, l’extrait cérébral, produisent le même effet, et toujours avec le même caractère de spécificité absolue.


IV

A partir de ce moment, l’étude de l’anaphylaxie ne fut plus seulement une étude de physiologie générale, mais encore un chapitre important de médecine.

En effet, un découvrit ceci : que les injections de sérum qui depuis MM. Behring et Roux étaient entrées dans la pratique médicale (traitement de la diphtérie) déterminaient un état d’anaphylaxie. Alors on décrivit une maladie que les médecins allemands appelèrent maladie sérum, caractérisée par des symptômes extrêmement nets, fièvre, rougeur au lieu de l’injection, urticaire plus ou moins généralisée, et, quand l’atteinte est plus grave, douleurs articulaires, vomissemens, état syncopal, etc.

Or cette maladie du sérum ne s’observe jamais ou presque jamais lors de la première injection. Elle ne survient qu’à la seconde ou même à la troisième. Encore faut-il qu’il s’écoule un certain intervalle de temps entre deux injections successives.

Il y a, comme on dit, un temps d’incubation ; douze ou quinze jours au moins. C’est tout à fait ainsi que les choses se passent pour l’anaphylaxie, laquelle exige, elle aussi, un temps d’incubation de quelques semaines.

Même au bout d’un très long temps, l’état anaphylactique n’a pas disparu. On a signalé des cas dans lesquels, après trois ans, une injection seconde de sérum avait provoqué des accidens extrêmement graves. C’est vraiment une chose étrange que de voir l’organisme modifié pour ainsi dire d’une manière