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Lorsque nous ingérons des œufs, du lait, de la viande de bœuf, ou de poule, ou de poisson, les divers albuminoïdes dont sont constitués ces alimens sont rapidement décomposés, disloqués, pour ainsi dire, par l’action chimique des sucs digestifs, suc gastrique, suc pancréatique, suc intestinal.

Donc les seules matières azotées qui vont pénétrer dans le sang seront celles qui dériveront des albumines ingérées, mais qui ne seront plus ces mêmes albumines ; car elles auront subi de profondes transformations chimiques par les fermens digestifs.

Même quand il s’agit de substances toxiques albuminoïdes, celles-ci vont être toujours, par l’action digestive des liquides de l’estomac et de l’intestin, si profondément décomposées, qu’elles auront perdu toute toxicité. On sait qu’on peut ingérer impunément du venin de serpent sans être empoisonné. J’ai constaté qu’il fallait donner une dose deux mille fois plus forte de certains poisons végétaux par l’estomac, pour obtenir le même effet toxique que par l’injection veineuse.

Il n’est donc pas surprenant que, dans les conditions normales, il n’y ait pas d’anaphylaxie alimentaire, puisqu’il n’y a pas eu pénétration dans le sang de l’albumine ingérée, mais seulement de ses produits de transformation.

Toutefois, dans certains cas, on peut observer l’anaphylaxie alimentaire en donnant des doses extrêmement fortes de telle ou telle albumine. Il est probable qu’alors certaines parcelles de la substance ont échappé aux sucs digestifs et indûment pénétré dans le sang.

Cette anaphylaxie alimentaire est exceptionnelle, et assez difficile à observer, encore que sa réalité soit prouvée en toute certitude. C’est surtout par l’augmentation du nombre des globules blancs du sang qu’on la constate ; car les autres symptômes sont peu apparens, sauf dans des cas tout à fuit spéciaux, sur lesquels je ne puis insister.

Je dois mentionner cependant des faits extrêmement curieux d’anaphylaxie alimentaire qu’on a observés sur l’homme. Ils ont été signalés depuis longtemps ; mais on n’avait pas pu encore en donner une explication vraisemblable. De tous temps, les médecins avaient constaté que certaines personnes ne pouvaient pas ingérer elle ou telle substance alimentaire, sans être aussitôt victimes d’accidens très incommodes, parfois