Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 6.djvu/393

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sérieux. Il est des gens qui ne peuvent manger des coquillages sans être pris aussitôt de nausées, de vomissemens, d’urticaire et même de fièvre. Et ce sont des indigestions presque spécifiques : car chez tel individu, ce sont les moules, chez tel autre les crevettes, chez tel autre, le homard, qui déterminent de pareils accidens. D’autres personnes sont sensibles à l’ingestion des fraises. On en connaît qui ne peuvent manger des œufs ; d’autres, de la viande de porc ; d’autres, du lait. On a cité des exemples d’enfans chez qui le lait, et même le lait de femme, provoquait des accidens immédiats de quelque gravité.

Ces phénomènes, qui paraissaient paradoxaux, trouvent maintenant une explication assez simple par l’anaphylaxie. En effet, supposons que, pour une cause ou pour une autre, le travail digestif s’opère mal chez certaines personnes, non pour toutes les substances alimentaires, mais pour certaines substances en particulier, il y aura pénétration dans le sang des albumines spéciales qu’elles ne peuvent pas digérer : par conséquent ces personnes se trouveront dans les conditions où se trouvent les animaux anaphylactisés, c’est-à-dire ayant dans leur sang une albumine spéciale, ou plutôt une toxogénine, laquelle réagira aussitôt pour donner le poison anaphylactique quand elle sera en présence du même albuminoïde.


IX

En comparant l’anaphylaxie à l’immunité, on arrive à des conséquences curieuses.

Rappelons brièvement ce qu’est l’immunité, telle qu’elle a été établie par les extraordinaires travaux de Pasteur et de ses élèves.

Si un animal a reçu une injection microbienne, ou, ce qui revient au même, s’il a été atteint d’une maladie infectieuse spontanée, il est mis, par le fait même de cette infection, dans un état spécial qui le différencie des autres individus de son espèce. Il est immunisé, c’est-à-dire protégé contre la maladie qui l’a atteint. Ainsi un individu qui a eu la fièvre typhoïde ne peut pas la contracter de nouveau, car il est immunisé contre la fièvre typhoïde. De même un individu qui a été vacciné, se trouve immunisé contre la variole. La vaccination l’aura rendu différent des individus non vaccinés.