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rend absolument distincts des autres hommes. Et c’est là une notion tout à fait nouvelle, car jusqu’à présent on admettait, faute d’y avoir réfléchi, que le sang, le lait, la bile, l’urine étaient de composition presque identique chez des individus de même âge, de même race et de même sexe.

Il n’en est certainement point ainsi. Chaque être vivant, tout en présentant les plus grandes ressemblances avec les êtres de son espèce, a sa caractéristique chimique personnelle, par laquelle il est lui, et non autre.

De sorte que, désormais, il ne faudra pas se contenter de faire la physiologie de l’espèce ; il faudra aborder résolument une autre physiologie, très difficile, à peine ébauchée encore : celle de l’individu.

Jadis les vieux médecins, en observant les variations individuelles et les modalités très variables suivant lesquelles les diverses personnes répondent aux infections ou aux médications, avaient cherché à les expliquer en créant le mot barbare et obscur d’idiosyncrasie. Or maintenant, grâce à l’immunité et à l’anaphylaxie, sans prétendre d’ailleurs que ces deux phénomènes rendent raison de toutes les variétés individuelles, nous pouvons découvrir la cause principale de l’idiosyncrasie. C’est la présence dans le sang et dans les tissus de quantités minimes de substances, soit anaphylactisantes, soit immunisantes. Comme ces substances ne peuvent être également groupées chez tous les individus, qu’elles s’associent en proportion variable, et comme elles sont d’ailleurs innombrables, il s’ensuit que la variété des individus est aussi grande au point de vue chimique humoral, qu’elle l’est au point de vue psychologique.

Certes, ce n’est pas pour rendre plus faciles les applications de l’art médical ; mais il vaut mieux se rendre compte des difficultés que de les ignorer.


Enfin on peut se demander comment l’anaphylaxie peut se concilier avec cette loi de biologie générale, — qui ne souffre pas d’exception, — que les organismes vivans sont dans un état optimum de protection.

On ne voit pas tout d’abord comment l’anaphylaxie est