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utile à la vie des êtres. Au contraire, il semble, à un premier examen superficiel, qu’elle soit funeste à l’être vivant, puisque enfin, à tout prendre, un individu anaphylactisé, au lieu de mieux résister à l’intoxication, résiste plus mal. La défense est amoindrie, à mesure que la sensibilité aux intoxications est accrue.

Et nous avons vraiment le droit, sans discussion ni examen préalables, de considérer comme absurde une disposition organique qui affaiblit, au lieu de la fortifier, la défense de l’être contre les ennemis qui peuvent l’attaquer.

Quand il s’agit de l’immunité, on saisit sans peine le rôle de l’immunisation. L’individu est devenu plus résistant et peut traverser des épidémies ou des infections sans périr, grâce à son immunité. Mais pour l’anaphylaxie, c’est le contraire qui se passe, puisque l’être est devenu dix fois, et même, dans certains cas, cent fois et mille fois plus vulnérable.

Bien entendu, on ne peut faire à cet égard que des hypothèses. J’en proposerai une, et j’espère qu’on la trouvera rationnelle.

A cet effet, rappelons ce que nous disions plus haut : qu’il y a des substances colloïdes et des substances cristalloïdes. Les substances cristalloïdes passent à travers les membranes et, lorsqu’elles sont introduites dans l’organisme, elles ne se fixent par sur les tissus, mais disparaissent rapidement pour être en quelques jours, ou plutôt en quelques heures, éliminées. Au contraire, les substances colloïdes ne disparaissent pas, une fois qu’elles ont pénétré dans le sang. Elles se fixent sur les cellules, et finissent par en faire partie intégrante, sans pouvoir, même au bout d’un très long temps, en être éliminées.

On voit alors aussitôt le danger grave qui menacerait tout organisme, s’il n’était sévèrement maintenu dans sa constitution chimique héréditaire.

Si des substances hétérogènes pouvaient impunément pénétrer dans ce corps et modifier ses propriétés chimiques fondamentales, s’introduire dans le protoplasme vivant pour en altérer définitivement la nature, alors c’en serait fait de la constitution chimique de chaque espèce animale, fruit d’une lente et ancestrale acquisition. Tout le progrès acquis par les sélections et les hérédités serait perdu, et nous serions à la merci des hasards, des accidens, des événemens de chaque jour,