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Et il ressemble à son modèle, chose plus rare encore, mais dont on ne peut douter. De tous les portraits d’Isabelle d’Este[1], comme c’est le seul qui vive, c’est le seul aussi qui rappelle nettement le profil de sa médaille par Cristoforo Romano. Lorenzo da Pavia, qui la connaissait bien et se connaissait aussi en art plus qu’homme du monde, lui écrit le 13 mars 1500 : « Léonard de Vinci est à Venise et m’a montré un portrait de Votre Altesse, d’une ressemblance parfaite et si bien fait qu’il n’est pas possible d’être meilleur[2]. » Voilà donc garantie la ressemblance de ce dessin qu’on traitait comme un cliché photographique et dont on tirait des épreuves. C’est bien le Maschio d’Isabelle d’Este, marquise de Mantoue, mais quel est le visage ?

Nul n’est plus digne d’être déchiffré. Belle-sœur de Lucrèce Borgia et de Ludovic le More, femme de François Gonzague, le héros de Fornoue, tante du Connétable de Bourbon qui prit Rome, l’histoire ne se fait pas sans elle et, dans cette tapisserie bariolée qu’est le XVe et le XVIe siècle italien, le fil d’or de sa

  1. Portraits d’Isabelle d’Este, épouse de François Gonzague, quatrième marquis de Mantoue :
    Authentiques : 1° Dessin au fusain, rehaussé de pastel, par Léonard de Vinci, fait en 1199 et représentant Isabelle d’Este à l’âge d’environ vingt-cinq ans, de profil droit, salle des dessins de Léonard de Vinci, au Louvre, n° 390.
    2° Médaille par Cristoforo Romano faite en 1498, représentant Isabelle d’Este à l’âge de vingt-quatre ans, avec l’inscription Isabella.Esten. March. Man.
    3° Médaille nuptiale de Francesco Gonzaga et d’Isabelle d’Este, tous deux de profil gauche.
    4° Tableau à l’huile par Titien, peint en 1536 d’après un portrait imaginé par Francia (et aujourd’hui perdu), qui avait été fait quelque vingt-cinq ans auparavant, au musée de Vienne.
    5° Tableau à l’huile par Rubens, d’après un portrait fait d’après nature par Titien aujourd’hui perdu ; au musée de Vienne.
    6° Tableau à l’huile identique au précédent et qui serait l’original du Titien copié par Rubens (à la collection Goldschmidt en 1903).
    Présumés avec vraisemblance : 1° Dessin à la sanguine, dit portrait d’Isabelle d’Este, de profil droit, aux Uffizi.
    2° Figure de femme, de profil droit, agenouillée, mains jointes, à gauche du tableau intitulé la Beata Osanna par Ronsignori. à Mantoue.
    3° La figure centrale, de face, de la danse des muses dans le Parnasse, par Mantegna, au Louvre, et le dessin fait pour cette figure, à Munich.
    Présumés sans vraisemblance : 1° la figure centrale debout, la tête inclinée, et la figure assise tenant un agneau dans la Cour d’Isabelle d’Este, par Lorenzo Costa, au Louvre.
    2° Figure de femme ressemblant au portrait d’Isabelle d’Este de Léonard de Vinci, attribuée à Beltraffio collection Alfred Morrison.
  2. « E l’e a Venecia Lionardo Vinci el quale m’a mostrato uno retrato de la S. V. che è molto naturale a quela. Sta tanto bene fato, non è possibile melio. »