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symbolisme. Aux derniers jours de l’année 1502, le subtil bandit était dans les Romagnes, fort occupé à gagner les bonnes grâces de quelques anciens alliés avec qui, quelque temps, il avait été brouillé : les Orsini (Paolo et Francesco, duc de Gravina), Vitellozzo, Oliverotto, tyran de Fermo, entre autres. Ces condottieri, de nouveau ralliés à sa fortune, venaient de prendre pour son compte Sinigaglia. Il les suivit de près, et, une fois arrivé à Fano, il les fît remercier de leur dévouement à sa cause et les informa qu’il voulait entrer dans la ville conquise, avec ses propres troupes, les priant donc de faire sortir leurs garnisons : — ce qu’ils firent, mettant leur infanterie dans les faubourgs et distribuant leurs gens d’armes dans tout le territoire.

Le lendemain, Paolo Orsini, le duc de Gravina, Vitellozzo et Oliverotto allèrent au-devant de lui : caresses, embrassemens, poignées de main. Ils l’accompagnèrent jusqu’à la porte de la ville, où toute son armée était rangée en bataille. Là, ils voulurent prendre congé de lui pour se retirer dans leurs quartiers, qui étaient hors de la place, commençant à trouver singulière l’affluence des troupes qui suivaient le Borgia et qui les cernaient de toutes parts. Mais il les pria d’entrer dans la ville où il avait, disait-il, à conférer avec eux. Il chevauchait entre Vitellozzo et le duc de Gravina, causant et badinant, très en verve, car, dit Guichardin, « il possédait au souverain degré le talent de la parole, soutenu de beaucoup d’esprit et de feu. » Ils n’osèrent trop refuser de le suivre jusqu’au palais de la ville, quoiqu’un mauvais pressentiment les traversât, tout aussitôt chassé par son verbiage. Oliverotto restait en arrière : l’âme damnée de César, Micheletto, le rejoignit, le priant de rejoindre la compagnie pour que la fête fût plus belle. Ils entrent donc tous dans le palais qu’on leur avait préparé. Après quelques momens d’entretien, César les quitte brusquement, sous prétexte d’aller changer d’habit : des soldats entrent, ligottent Vitellozzo et ses compagnons, pendant qu’au dehors on désarme leurs troupes. Le lendemain, après une nuit d’angoisses, Oliverotto et Vitellozzo étaient assis sur deux chaises, dos à dos, et étranglés. Les deux Orsini, épargnés, pour l’instant, étaient traînés à la suite de César dans ses pérégrinations, se demandant ce qu’il attendait pour les tuer. Il attendait des nouvelles de Rome, et lorsqu’il sut qu’à Rome aussi les choses s’étaient heureusement passées et les Orsini mis dans l’impuissance