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de venger leurs proches, il les fit étrangler par Micheletto.

En apprenant cet exploit, Isabelle envoie à César Borgia un présent approprié : une collection de cent masques avec la lettre suivante :


Très illustre Seigneur, votre aimable lettre nous informant des heureux succès de Votre Excellence nous a remplis de la joie et du plaisir qui sont le résultat naturel de l’amitié et affection qui existe entre vous et nous-mêmes et au nom de notre Illustre Seigneur comme au nôtre, nous vous félicitons d’avoir échappé au danger comme de votre prospérité et nous vous remercions de nous en avoir informés et aussi de la promesse que vous nous faites de nous tenir au courant de vos futurs succès. Nous attendons de votre amabilité que vous continuiez, car vous aimant comme nous vous aimons, nous brûlons d’avoir souvent des nouvelles de vos faits et gestes, afin de pouvoir nous réjouir de votre prospérité et prendre part à vos triomphes. Et pensant que vous prendrez quelques repos et récréations après les fatigues et les peines de cette glorieuse expédition, nous vous envoyons cent masques, par notre serviteur Giovanni. Nous savons bien qu’un si pauvre présent est indigne de vous, mais c’est un gage que si, dans notre pays, nous pouvions trouver un cadeau plus digne de votre grandeur, nous serions heureux de vous l’envoyer. Si ces masques ne sont pas aussi beaux qu’ils devraient être. Votre Excellence devra s’en prendre aux artistes de Ferrare, car, grâce à la loi qui interdisait de porter des masques en public, laquelle loi vient seulement d’être rapportée, cet art du costumier a été presque entièrement perdu. Nous vous prions de les accepter comme un gage de notre sincère sympathie et affection pour Votre Excellence...


César Borgia répond froidement, aussi impénétrable que s’il avait les cent masques, à la fois, sur la figure :


Très illustre et excellente Madame, honorée Commère, très chère sœur, nous avons reçu de Votre Excellence le don de cent masques, qui nous sont extrêmement agréables, non seulement à cause de leur beauté et de leur variété remarquables, mais en raison du moment et du lieu de leur venue, qui ne pouvait être plus opportun. Il semble, en vérité, que Votre Excellence a prévu l’ordre de notre plan de campagne et notre voyage actuel à Rome. Après avoir pris la cité et la province de Sinigaglia avec toutes ses forteresses, en un seul jour, et justement puni la perfide trahison de nos ennemis, nous avons affranchi, du joug des tyrans, les villes de Castello, Fermo, Cisterna, Montone et Pérouse, et nous les avons remises dans leur ancienne obédience au Saint-Siège. Enfin nous avons enlevé au tyran Pandolfo Petrucci son pouvoir sur Sienne, où il avait déployé une si atroce cruauté. Et ces masques nous sont surtout précieux, parce qu’ils nous apportent une nouvelle preuve de la singulière affection que nous savons que vous et votre illustre Seigneur nous avez déjà montrée en d’autres occasions et que vous prouvez encore par la longue lettre qui les accompagne. Pour tout cela, nous vous remercions infiniment,