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La forêt de Marchenoir, dans le Loir-et-Cher, constitue un important massif de 3 500 hectares qui avait été peu exploité et contenait d’abondantes réserves. La coupe a été vendue en bloc, avec sujétion d’y laisser des baliveaux, à une société dont tous les journaux ont répété successivement les appels de capitaux pour la création d’un outillage modèle, puis les procès retentissans. Les débats de la Chambre ont d’ailleurs fait connaître que le nombre des baliveaux conservés par hectare était de 52.

L’opération était licite, c’est incontestable ; elle était admissible au point de vue technique, en raison des difficultés qu’éprouvent les particuliers à faire marquer et contrôler comme l’Etat les coupes de leurs bois ; mais il y a lieu de se demander quels en sont les résultats au point de vue de l’intérêt général.

L’exploitation précipitée de cette forêt, sa réalisation en langage technique, supprimera pendant une vingtaine d’années toute espèce de coupe et suspendra pendant le même temps les salaires de bûcheronnage, de façonnage, d’écorçage et de transports aux gares qui représentaient annuellement plus de 20 francs par hectare, soit une soixantaine de mille francs par an. Tous ces travaux, exécutés pendant l’hiver, contribuaient à l’aisance des ouvriers ruraux qu’ils occupaient en morte-saison et leur suppression entraînera fatalement l’exode vers les villes d’un certain nombre de familles et accentuera l’insuffisance de la main-d’œuvre agricole.

L’éclaircissement exagéré de ce grand massif réduira d’ailleurs pendant bien longtemps son action hydrologique, et l’on doit souhaiter de n’avoir pas à en constater l’influence sur les crues d’aval, ni sur les cyclones d’amont ni dans la vallée de la Loire.


L’ancien domaine impérial de Solférino (Landes), contenant une forêt de 6 000 hectares, a été acheté et complètement rasé par un spéculateur qui a revendu le terrain nu. L’opération est encore licite, puisqu’il n’y a pas eu défrichement, mais sa répercussion économique sur les populations voisines est plus grande encore qu’à Marchenoir, car les pignadas, exploitées normalement pour le bois et pour la résine, procurent des salaires annuels dépassant 50 francs par hectare.