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III. — LA CRISE DES FORÊTS

L’homme déboise le monde entier pour faire face aux besoins des nations civilisées. On sait depuis plus de dix ans par le cri d’alarme de Mélard, Insuffisance de la production du bois d’œuvre dans le monde, que la production mondiale du bois d’œuvre est inférieure à sa consommation qui s’accroît avec une inconcevable rapidité. Cette consommation a doublé en Angleterre pendant les quarante dernières années, elle n’a mis que trente ans pour doubler aux Etats-Unis, et elle suit une progression analogue chez toutes les nations industrielles. Cet accroissement considérable dans la consommation du bois d’œuvre, auquel contribuent largement des emplois nouveaux pour la papeterie, les traverses de chemins de fer, les poteaux télégraphiques et le pavage en bois, ne semble pas en France avoir attiré l’attention des statisticiens, parce qu’il s’est produit en même temps une diminution dans la consommation du bois de feu, remplacé par la houille pour le chauffage et la métallurgie ; mais la transformation générale du commerce des produits ligneux, caractérisée par la demande toujours croissante des gros bois et l’avilissement des menus bois, mérite d’être attentivement examinée.

Les sylviculteurs devraient, pour répondre aux besoins du marché, convertir leurs taillis en futaie ; et ils font généralement le contraire, en abattant un plus grand nombre de gros arbres pour compenser la réduction que fait subir à leurs revenus l’abaissement du prix des bois à brûler. L’appauvrissement des massifs qui résulte de cette exploitation à courte vue aggrave encore la crise des forêts.

La préoccupation légitime qu’ont les propriétaires forestiers de maintenir leurs revenus n’est pas d’ailleurs la seule cause de l’appauvrissement des forêts. Le commerce des bois a contribué lui aussi à cet appauvrissement, en transformant ses méthodes pour l’alimentation du marché.

La méthode classique de l’achat sur pied de coupes aménagées, restée obligatoire dans les forêts de l’État, est de plus en plus abandonnée dans les forêts particulières.

Beaucoup de marchands de bois ont pris le parti de se