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dans un intérêt non personnel, le sacrifice de recettes auxquelles il avait personnellement droit.

Quand, au bout de cent cinquante ans, la conversion est terminée, le propriétaire est en possession d’un capital-bois ayant une valeur de 746 francs au lendemain de chaque coupe régulière valant 1 749 francs ; ce capital est d’ailleurs d’une nature toute particulière, puisqu’il conserve, abstraction faite des variations de cours, une valeur périodiquement constante, tout en n’étant pas constitué par les mêmes arbres.

Ainsi un propriétaire, qui peut en raison des limites de la longévité humaine être indifféremment représenté par une série d’héritiers directs ou par une société impérissable, a converti un taillis simple en taillis sous-futaie ; pendant cent vingt ans, il a donné ses soins à la création d’un capital-bois équivalant à trois fois la valeur primitive du sol, résisté à la tentation de tuer la poule aux œufs d’or et immobilisé dans sa forêt une partie des produits ligneux dont il aurait pu percevoir le prix, tout en payant des impôts pour la partie de ses revenus qu’il n’a pas touchée.

Cette accumulation d’économies, que l’Etat eût favorisée dans les caisses d’épargne par des exemptions d’impôt et des bonifications d’intérêts, doit-elle, parce que les particularités de la propriété forestière lui ont fait conserver la forme immobilière, être frappée par l’impôt foncier et par toutes ses aggravations ? Rien ne serait plus contraire à l’intérêt général. Il appartient à la loi fiscale de rétablir dans la pratique l’assimilation avec tous les autres revenus de cette part du revenu forestier, qui n’eût pu devenir meuble qu’en étant séparée du sol, pour ne pas frapper plus lourdement ces coupons tout spéciaux qui n’ont pas été détachés. La voie lui est tracée d’ailleurs par M. Daubrée, qui ne cesse de répéter depuis l’inondation de Paris : « C’est l’impôt qui tue les forêts, » et par les vœux de tous les groupemens agricoles. Il suffit de citer ici le vœu émis en 1910 par la Société nationale d’Agriculture de France :

« Que, dans les opérations de révision du revenu réel de la propriété forestière, le revenu du sol et le rendement donné par le capital forestier accumulé dans les réserves soient l’objet d’une distinction spéciale ;

« Que le revenu du sol soit établi pour les taillis simples par la valeur des coupes au moment de leur exploitation, pour les