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LA POUDRE B ET LA MARINE


I

Le 5 mars 1899, à 2 h. 20 du matin, les habitans des communes voisines de la poudrière navale de Lagoubran, près de Toulon, étaient éveillés en sursaut par un roulement semblable à un formidable coup de tonnerre et accompagné d’un tremblement très prononcé du sol. Sur la poudrière avait paru une grande lueur subite. Le gaz s’éteignit dans les azrues partout à la fois, jusque dans Toulon. Un immense nuage de fumée noire et fétide plongea dans une obscurité profonde tout le quartier de Lagoubran d’où s’échappaient des cris et des gémissemens étouffés. La poudrière venait de sauter, avec 180 000 kilos d’explosifs.

La caserne des artificiers située à quelque distance envoya les premiers secours ; on alluma de grands feux sous la voûte pour éclairer les travailleurs. Les dégâts étaient énormes. De la poudrière il ne restait rien. À la place précédemment occupée par la partie Est du bâtiment s’ouvrait un vaste entonnoir de 50 mètres de diamètre qui descendait à 5 mètres au-dessous du niveau de la mer. L’explosion faisait 70 victimes. Les deux sentinelles placées hors du mur d’enceinte à une centaine de mètres de la poudrière avaient été tuées sur le coup. Les maisons d’habitation, à 200 ou 300 mètres, ne formaient qu’un monceau de décombres sous lesquels gisaient les habitans. Les toits des hangars et leur façade, à 600 et 800 mètres, étaient renversés. Il y avait des vitres brisées, des cloisons abattues, des