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toitures endommagées, dans un rayon de 3 kilomètres. Enfin le bruit et la commotion portèrent, dit-on, jusqu’à Nice. Sur la colline voisine et jusqu’à 2 kilomètres du lieu de l’explosion le sol était jonché de lamelles de poudre B qui n’avaient subi aucun commencement de combustion.

L’enquête menée par le service des Poudres et Salpêtres conclut à la possibilité d’une combustion spontanée des poudres B, sans attribuer à cette hypothèse une haute probabilité. L’explosion était certainement due à la mise en feu subséquente des approvisionnemens de poudre noire, qui éclatent beaucoup plus brusquement. Mais l’hypothèse d’un attentat ne fut pas écartée. Elle fut même considérée comme seule plausible par l’enquête de l’artillerie de marine. On était d’ailleurs au lendemain de Fachoda : beaucoup d’esprits, pour cette cause, admettaient plus facilement une intervention criminelle. Le doute subsiste encore ; et depuis lors les si nombreuses attaques de sentinelles aux portes de poudrières n’ont pu que contribuer à y maintenir une partie de l’opinion.

Il n’y eut donc pas, au cours des années suivantes et malgré le douloureux retentissement de celle catastrophe, d’inquiétudes formelles dans le pays au sujet de la poudre B.

Le 12 mars 1907, le cuirassé d’escadre Iéna était à sec dans le bassin de radoub, à Toulon. On y faisait des travaux. Les ouvriers de l’arsenal quittaient le bord à midi, pour le déjeuner, Ce jour-là donc, un peu après une heure, avant qu’ils ne fussent revenus mais alors que l’équipage du cuirassé avait repris le travail, chaque homme étant à son poste habituel, une grande flamme jaillit sur le pont, vers l’arrière, en forme de gerbe rouge, jaune et blanche, parsemée de petites flammèches bleues. Le fou sortait aussi par les hublots du navire, par les orifices des monte-charges et des manches à air. Au bout de quelques secondes se produisirent deux détonations rapprochées : lune sourde, l’autre retentissante ; puis, d’intervalle à intervalle, d’abord de dix en dix minutes, puis de minute en minute, d’effroyables explosions projetant violemment des débris dans le bassin et tout alentour.

Dans les ateliers voisins, criblés de morceaux de tôle, de balles, de fragmens de projectiles, se déclaraient des commencemens d’incendie. Des éclats pesant jusqu’à 4 et 5 kilos venaient tomber sur l’arsenal et la ville de Toulon.