Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 6.djvu/56

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Sefrou menacé par des tribus dissidentes, et revenir à Fez pour figurer, à l’occasion du 14 juillet, dans une grande revue où le Sultan sera convié. Mais les événemens, les instructions reçues de France, la maladie, allaient modifier ces projets, et priver les badauds de la capitale d’un spectacle dont on escomptait, avec trop de hâte peut-être, les bienfaisans effets d’intimidation.

Tandis que la petite armée déploie ses élémens sur la piste de Meknès, les unités qui protégeront Fez pendant son absence, occupent leurs emplacemens. On n’avait pas laissé échapper une aussi belle occasion de composer un de ces panachages compliqués, dont les organisateurs de l’expédition marocaine gardent jalousement le secret. Deux compagnies de marsouins appartenant à deux bataillons différens, une section coloniale de mitrailleuses, une compagnie de tirailleurs algériens, un détachement du train des équipages, du génie, quatre canons et des cavaliers de la mehallah impériale, des conducteurs kabyles, telles étaient les troupes qu’un chef d’escadrons de spahis avait à sa disposition pour garder les malades, les approvisionnemens, les services des « troupes de l’avant, » qui allaient opérer vers l’arrière, pour calmer les appréhensions du Sultan, qui ne voyait pas sans inquiétude s’éloigner la masse de ses libérateurs.

Sur le plateau poussiéreux et brûlant, autour d’une redoute enterrée dont le nom rappelait le souvenir du médecin Au vert, tué pendant le combat du 2 juin, les marsouins dressent les tentes marabouts incommodes et surchauffées, que, depuis Bugeaud, les troupes d’Algérie considèrent comme le nec plus ultra du confortable africain. Protégés par le parapet qui les met à l’abri des balles marocaines, 500 mulets et chevaux malades se consument sous le soleil implacable, souillent de leurs déjections et sanies un sol qui ne connaîtra pas les désinfectans. Les tourbillons de poussière nauséabonde, chassés par le sirocco, déposent leurs microbes dangereux dans les marmites installées en plein vent ; des mouches innombrables et tenaces s’acharnent contre la sieste des malheureux soldats. Pendant la nuit, les chiens à demi sauvages des douars voisins se livrent des batailles bruyantes autour des cadavres d’animaux qui se décomposent dans les champs. Privés de sommeil, brûlés par la chaleur du jour, anémiés par les fatigues et la mauvaise nourriture