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décret, il y avait bien 800 hommes à la disposition de l’auto rite militaire. Le premier jour de l’émeute, on affirme qu’ils n’étaient pas plus de 250. 250 hommes de troupes pour tenir en respect une population de 200 000 âmes ! C’est à faire frémir !… Et, pendant que nous supputions les tristes chances de l’émeute, la Résidence télégraphiait à Paris, réclamait des secours. Après trente-six heures, on attendait encore la réponse du gouvernement français !


Quel avait été, sinon le motif, du moins le point de départ de ce mouvement de rébellion, on le sait suffisamment aujourd’hui, en France, pour que j’y insiste trop longuement. Rappelons en gros que l’immatriculation votée par la municipalité tunisienne d’un cimetière de la ville, — le cimetière de Djellaz, — avait froissé, dans la communauté musulmane, les sentimens religieux de l’élite et surexcité le fanatisme des masses.

La municipalité eut tort. Elle-même le reconnut, puisque au dernier moment elle revient sur son vote. Malheureusement, il était un peu tard. Quoi qu’il en soit, elle avait commis une lourde faute. En matière de tolérance religieuse, nous devons éviter, avec les indigènes, jusqu’à l’ombre du soupçon. Peut-être faudrait-il savoir soi-même ce que c’est que le sentiment religieux pour le respecter chez les autres. Comment veut-on que des politiciens ou des gens d’affaires, à l’esprit simpliste et aux procédés sommaires, puissent jamais comprendre les délicatesses ou les susceptibilités de consciences aussi éloignées que possible de la leur ?

Cependant, au premier abord, la municipalité tunisienne ne paraît pas si coupable. De quoi s’agissait-il, en somme ? D’assurer à la communauté musulmane la propriété légale et dûment enregistrée de son cimetière. Il semble que les dévots auraient dû s’en réjouir. Mais les choses ne sont pas si simples. En réalité, il s’agissait bien plus de délimiter un terrain que d’en reconnaître juridiquement les légitimes possesseurs. Les Arabes n’ont qu’un sentiment confus de la propriété ; ils répugnent à la rigidité inflexible de notre cadastre. En ce qui concerne ce cimetière, fondation pieuse et conséquemment intangible en droit musulman, il est certain que les limites en étaient un peu