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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 6.djvu/599

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n’oublie qu’un point, c’est que, la plupart du temps, il est encore incapable de les remplir.

Si même nous les écoutions, si nous leur cédions tout ce qu’ils exigent, ils se dispenseraient sûrement de la reconnaissance. Il faut qu’ils soient les maîtres dans la place. Ils veulent tout ou rien. Et s’ils étaient les maîtres, leurs pays seraient à peu près inhabitables pour nous.


Ces rancunes et ces haines trouvent un excitant terrible dans le fanatisme religieux. Pour le Musulman, la religion est tout. De toutes les choses africaines, que nos libres penseurs et nos politiciens radicaux-socialistes ne peuvent pas comprendre, celle-là est peut-être la plus incompréhensible.

Ils sont très mal placés pour apprécier un tel état d’esprit. Ou bien ils s’imaginent qu’avec beaucoup de tolérance, on apaisera les susceptibilités de la foi musulmane ; ou bien ils regardent l’Islam comme une superstition caduque appelée à disparaître ou à évoluer peu à peu au contact des sciences et des philosophies occidentales. Cela, c’est l’opinion dominante dans les milieux arabophiles. On y caresse vaguement l’espoir d’une sorte de modernisme islamique. Mais c’est fermer les yeux à la réalité : l’Islam n’a point bougé depuis son institution. Il ne bougera point. Il est incapable d’évolution. Il n’a même pas la souplesse d’adaptation du catholicisme, qui fait que celui-ci s’accommode à toutes les circonstances et à tous les milieux, qu’il se plie à toutes les nécessités de la pratique. De cette souplesse j’avais, l’autre jour, un exemple entre mille, lorsque, à Saint-Louis de Carthage, je voyais les Pères Blancs du cardinal Lavigerie célébrer les vêpres sous le costume musulman et, à la sortie de la basilique, converser dans leur langue avec les Arabes du voisinage. Sans hésiter, ils ont pris le burnous et la chéchia, l’Evangile n’ayant pas besoin, pour être prêché, d’un uniforme national ou religieux. Au contraire, un imam, — : que dis-je, un simple portefaix, — se ferait plutôt tuer que d’abandonner le turban ou la coiffure coranique.

Le vrai, c’est que nous sommes en présence d’âmes contemporaines des premiers siècles de l’hégire. Un Sidi-Okba, s’il revenait au monde, les trouverait tels qu’il a connu leurs