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pour les officiers du corps expéditionnaire qu’ils saluent de gestes larges et saccadés.

Il serait difficile d’évaluer l’effectif actuel de l’armée impériale. La solde incertaine, les dissensions politiques, les désertions, les travaux agricoles ont vidé les tentes de la mehallah plus complètement que les tabors de la côte. Cependant, la régénération du Maroc fondée sur la paix intérieure, la force de l’autorité, n’est possible qu’avec une armée indigène nombreuse, bien commandée, bien payée, qui étendra sur le pays un réseau serré de garnisons. 5 000 hommes, disent les uns, 30 000, affirment les autres, sont nécessaires, et la deuxième estimation paraît plus raisonnable. Le Sultan d’aujourd’hui, qu’il soit indépendant ou protégé de la France, doit réduire à l’obéissance des tribus hostiles, des vassaux rebelles ; faire rayonner son autorité hors de la plaine de Fez où les coalitions de haines et d’intérêts viennent la bloquer ; appliquer pour son compte la théorie de la « tache d’huile » d’après nos exemples du Tonkin et de Madagascar. Le temps n’est plus où les mehallahs chérifiennes, suivant la comparaison de M. de Segonzac, pourront se contenter de tracer dans les régions révoltées un sillage et non un sillon. Le désarmement progressif des tribus, cause essentielle de la tranquillité publique, ne sera obtenu que par l’action constante de forces locales, toujours prêtes à intervenir dès le premier signal d’effervescence.

Quels que soient l’effectif et la nature des troupes françaises au Maroc, et leur rôle dans la pacification éventuelle, leur œuvre devra toujours être précédée ou complétée par celle des troupes indigènes encadrées avec soin. El si le développement de la mehallah impériale, avec l’ampleur prévue par le lieutenant-colonel Mangin, paraît dangereux pour notre sécurité politique, l’organisation de tirailleurs marocains, sur le modèle de nos Sénégalais, de nos Malgaches ou de nos Annamites, donnera d’excellens résultats : l’expérience tentée avec les goums de la Chaouïa, comme avec la Police des ports, est concluante.

D’ailleurs, l’avenir de l’armée chérifienne considérée comme un organe autonome au Maroc est incertain. Les instructeurs demandés par le général en chef dans le corps expéditionnaire, pour renforcer les cadres de la mehallah, ne se sont pas présentés en nombre suffisant. Les conditions ont paru trop dures aux officiers et sous-officiers que ne trompe plus le mirage de