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Propylées, » il embrasse d’un coup d’œil « émerveillé » les ruines de la Victoire Aptère, de la Pinacothèque « où l’on exposait les tableaux de Polygnote, de Zeuxis, de Mikon et de Parrhasios, » et ce Parthénon qui, dégradé, dépouillé, souillé, « est encore la plus admirable, la plus idéalement parfaite des créations humaines… Les descriptions les plus enthousiastes et les plus belles, celles de Lamartine, de Chateaubriand et de Théophile Gautier restent encore de beaucoup au-dessous de la vérité, ajoute-t-il ; je crois qu’il est téméraire, impossible de faire la description du Parthénon éclairé par le soleil d’Athènes qui, non content de l’avoir déjà peint des plus chaudes couleurs de la palette des Ziem, des Titien, des Corrège et des Rubens, lui donne, tous les jours, dans sa marche de l’Orient au couchant, mille tons divers et mille aspects nouveaux. »

Il souffre, — c’est la marque du vrai amour, — de voir avec d’autres l’objet de sa flamme. Il se promet de « retourner tout seul au Parthénon avec ses yeux et sa pensée. » Telle est son ivresse que tout lui sourit en ce pays béni des dieux, — même les habitans. Il veut qu’ils soient les descendans authentiques des vieux Hellènes ; ils leur ressemblent, proclame-t-il, par la bonhomie de leurs façons (« ces mœurs grecques sont adorables, ») par leurs habitudes égalitaires (son tailleur Lambikis « est ù tu et à toi avec le roi Georges… de même que Cléon, au temps d’Aristophane, était corroyeur et gouvernait la Grèce ») par la beauté de leurs femmes (« les beaux yeux sont communs ») et par « un goût inné pour la politique… comme au beau temps de l’Agora et du Pnyx. » Tout l’enchante et l’accueil des ministres aux prénoms antiques le grise presque autant que les « vins excellens de Santorin, de Patras et de Samos. »

S’il s’arrache à Athènes, c’est pour aller « de lieu sacré en lieu sacré : » Salamine, Nauplie, le lac de Lerne où il évêque Hercule, les cavernes de Tyrinthe, le trésor des Atrides où il ressuscite dans un décor « de grandeur sinistre » les crimes de la famille. Certes on court le pays, « la main sur les crosses de ses revolvers, » mais qu’on ne médise pas des brigands : ceux qu’il a vus prisonniers lui ont paru « charmans. » Ainsi se révèle la vraie passion qui fait adorer un visage jusque dans ses verrues.

Le voici qui court encore la plaine et les ruines de Corinthe, la plage d’Égine. A Mégare, il est resté saisi devant la beauté des