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La question posée est cependant très simple. Le traité avec l’Allemagne est aujourd’hui connu. Il a été l’objet de beaucoup de critiques dont quelques-unes sont justes, dont quelques autres le sont moins, et dont quelques autres encore ne le sont pas du tout. Notre diplomatie n’a sans doute pas la prétention d’avoir fait un pur chef-d’œuvre, comme en font très à leur aise, dans l’isolement favorable du cabinet, ceux qui, négligeant les origines de la question, sa complexité initiale, les complications qui s’y sont introduites depuis, la résolvent idéalement en ne tenant compte que des intérêts français. Autant tracer des lignes géométriques à travers l’espace vide ! Malheureusement, la diplomatie a d’autres obligations. Nous avons regretté, quant à nous, qu’on ait imprudemment soulevé et voulu résoudre la question marocaine : mais on l’a fait, et il est un peu tard aujourd’hui pour reculer devant des conséquences qui ne pouvaient pas être très différentes de ce qu’elles sont. Le traité avec l’Allemagne est soumis à la ratification des Chambres : celles-ci doivent-elles le ratifier ? Si, comme nous le croyons, la majorité de la Commission est d’avis qu’elles le doivent, pourquoi ne pas le dire tout de suite ? Les hésitations, les tergiversations sont ici du plus déplorable effet. Le Journal des Débats était bien inspiré lorsqu’il conseillait à la Chambre de voter le traité en silence. Quoiqu’elle prêtât à des objections, cette attitude aurait été plus digne que celle qui consiste à tourner indéfiniment autour d’un breuvage amer qu’on finira par boire tout de même.

La Commission des affaires étrangères de la Chambre des députés a d’ailleurs beaucoup travaillé : elle a fait un très grand effort pour s’éclairer elle-même et pour éclairer le pays sur les parties restées obscures des obligations que nous avons contractées. Le résultat a été la divulgation de plusieurs traités secrets conclus il y a sept ans et depuis, les uns avec l’Angleterre, les autres avec l’Espagne, en vue du règlement de la question marocaine. Le pays qui, il faut bien le dire, ne connaissait rien de la question marocaine, ni de la manière dont elle pouvait être résolue, a été extrêmement surpris, déçu, irrité, de voir se succéder sous ses yeux tous ces traités dont chacun lui enlevait un lambeau du Maroc. Pour lui, le Maroc était avant tout Tanger et le rivage de la Méditerranée qui fait suite à l’Algérie, c’est-à-dire précisément ce qui lui échappait. — Eh quoi ! a-t-on demandé, sous un gouvernement démocratique et républicain comme le nôtre, un ministre peut donc engager le pays sans le lui dire, au moyen de traités qu’il enferme soigneusement au fond d’un tiroir ? — Mon