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République d’avoir fait des traités secrets ; mais ces traités, on peut les prendre en eux-mêmes et se demander ce qu’il faut en penser.

L’impression première qu’ont éprouvée en les lisant ceux qui ne connaissaient pas les élémens constitutifs de la question marocaine a été franchement mauvaise : pour les autres, ces traités n’ont pas été une révélation, d’abord parce qu’ils en connaissaient le plus souvent, sinon les termes, au moins le sens général, ensuite parce que, à supposer qu’ils ne l’eussent pas connu, ils l’auraient facilement deviné. Quand M. Delcassé a fait ces traités, il ne les a pas soumis aux Chambres, ce qui était son droit, mais il n’en a pas fait mystère, il en a même beaucoup parlé ; les journaux, les revues en ont parlé à leur tour ; le monde diplomatique a su qu’ils existaient ; ils ont été le thème de nombreuses conversations, et, s’ils sont restés secrets pour le public, c’est en vérité parce que le public ne sait ni écouter, ni entendre, ni comprendre le bruit qui se fait autour de sujets qui ne lui sont pas familiers, — et aussi parce qu’il oublie très vite.

A supposer d’ailleurs qu’on n’eût pas connu ces traités, il suffisait, nous l’avons dit, de savoir l’histoire et la géographie pour en deviner le sens. Lorsqu’il a commencé à être clair que la politique de M. Delcassé consistait essentiellement à résoudre la question marocaine, les gouvernemens de l’Europe se sont partagés en trois catégories. La première a compris ceux qui estimaient avoir comme nous des intérêts primordiaux au Maroc, la seconde ceux qui ont vu là une occasion et un moyen d’obtenir des accroissemens pour compenser les nôtres, la troisième les indifférons qui se sont placés de l’un ou de l’autre côté suivant leurs sympathies et les tendances habituelles de leur politique. Dans la première catégorie étaient l’Angleterre et l’Espagne, dans la seconde, l’Italie et l’Allemagne, dans la troisième, les autres. La politique des premiers et des seconds s’est développée suivant les circonstances à travers des incidens qu’il est inutile de rappeler, car ils sont présens à toutes les mémoires : au surplus, nous n’entendons parler pour le moment que de l’Espagne et de l’Angleterre, qui ont eu de tout temps des intérêts marocains, une politique marocaine, et qui incontestablement avaient quelque chose à dire et à faire le jour où la question du Maroc a paru devoir être réglée pour un long avenir.

L’Espagne d’abord. Le Maroc est pour elle affaire politique et affaire sentimentale. Le Maroc est la continuation de son territoire dont il n’est séparé que par un bras de mer, comme il est pour nous la continuation de notre Algérie. De plus, dans ce Maroc inconnu,