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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 6.djvu/755

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les deux empires ne m’a point paru troubler le moins du monde l’esprit de S. A. Pour ce qui était de l’Italie, il m’a déclaré franchement que, si elle rompait avec l’Autriche, il en serait désolé, mais que l’Allemagne ne nous aiderait point contre son amie.

Touchant les choses d’Orient, le prince m’a déclaré que l’Allemagne s’en désintéresse, et que, en conséquence, S. A. acceptera n’importe quelle solution, pourvu qu’elle ne trouble pas la paix européenne.

J’ai aussitôt répondu que l’Italie, elle, ne peut pas se dire désintéressée de la question. J’ai parlé alors des bruits qui couraient relativement à des changemens territoriaux, et des propositions russes tendant à faire prendre par l’Autriche la Bosnie et l’Herzégovine, de façon à s’assurer son amitié.

À ce propos, j’ai rappelé les conditions où nous nous trouvons depuis le traité de paix de 1866, et comment tout accroissement de territoire pour l’Autriche serait préjudiciable à notre pays. Nos frontières, ai-je dit, sont ouvertes du côté de l’Orient ; et si l’Autriche se renforce dans l’Adriatique, nous serons resserrés dans des tenailles, et perdrons toute sécurité.

J’ai ajouté : « Vous devriez nous aider dans cette occasion. Nous sommes fidèles aux traités, et ne demandons rien aux autres. Vous devriez, demain, dissuader le comte Andrassy de tout désir de conquêtes en territoire ottoman. »

Le prince m’a répondu qu’il ne voulait à aucun prix parler de tout cela à Andrassy, ces sujets risquant de déplaire au grand chancelier autrichien. Il croit cependant qu’un accord serait possible, et il propose que, au cas où l’Autriche obtiendrait la Bosnie et l’Herzégovine, l’Italie prît pour soi l’Albanie, ou une autre terre turque sur l’Adriatique.

Dans notre entrevue d’hier, après que nous eûmes causé à nouveau des divers sujets traités à Gastein, le prince, au moment de prendre congé de moi, m’a dit qu’il avait parlé au chancelier autrichien de notre opposition à ce que l’Autriche prît la Bosnie et l’Herzégovine. Et puis il a ajouté : « Allez vous-même à Vienne ! je suis sûr que vous pourrez vous entendre avec le comte Andrassy ! »

Un voyage à Vienne sera, en effet, nécessaire pour mieux connaître les intentions d’Andrassy sur le problème oriental, et pour voir si un accord avec l’Autriche serait possible. Je ferai ce